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pas, ajoutaient-ils, à pénétrer les motifs de la conduite de votre sainteté dans le parti qu’elle semble avoir pris à l’égard de l’institution canonique des évêques ; mais nous croyons pouvoir lui représenter avec tout le respect que nous devons à sa dignité autant qu’à ses malheurs que quelles que soient ces raisons, quels que soient les motifs de plainte qu’elle puisse avoir d’ailleurs, quelque fondées que puissent être ses répugnances, quelque dure que puisse être sa situation, il n’est pas moins évident que dans toutes les suppositions possibles elle ne saurait persister dans une résistance qui doit avoir un terme. » Les dix-neuf évêques terminaient leur missive en adjurant le saint-père « de ne pas refuser plus longtemps à l’église de France les évêques qu’elle réclamait, et de ne pas la réduire ainsi à la nécessité si triste, à l’extrémité si fâcheuse de pourvoir elle-même à sa propre conservation[1]. »

Après avoir obtenu de son oncle le cardinal Fesch, d’abord si récalcitrant, et de tant d’évêques au début si timorés des manifestations aussi conformes à ses desseins, comment l’empereur ne se serait-il pas tenu pour assuré du succès ? Il avait, pour le mieux préparer, déployé d’ailleurs son activité habituelle. Sa correspondance du mois d’avril 1811 nous le montre multipliant les instructions à son ministre des cultes, prévoyant toutes les éventualités, réglant lui-même jusqu’aux moindres détails matériels, et, comme dans ses opérations de guerre, attendant ensuite avec une fiévreuse anxiété le résultat de ses habiles combinaisons. La promptitude d’exécution, cette qualité qu’il jugeait toujours si nécessaire au succès, ne lui avait pas non plus fait défaut, car, sa résolution à peine prise le 25 avril, les négociateurs avaient dès le 26 reçu leurs pouvoirs en règle et toutes leurs instructions. Les journées suivantes avaient été employées à faire rédiger par le cardinal Fesch et par les dix-neuf cardinaux, archevêques et évêques, les lettres nombreuses dont nous venons de parler. Le 1er mai, les trois députés étaient en route pour l’Italie. Ils avaient l’ordre de se rendre avec la plus grande diligence à Turin, puis de là directement à Savone, où il leur était recommandé de se trouver au plus tard le 6 mai. Le jour de leur arrivée à Savone, une estafette partirait pour Turin afin d’y rencontrer l’estafette de Paris. Il en serait ainsi pendant tout le temps de lieur séjour à Savone, de façon que l’on pût avoir de leurs nouvelles en quatre jours. L’estafette partant tous les jours de Paris porterait également à Turin les lettres qui leur seraient adressées, et de cette ville elles leur seraient portées

  1. Extrait des passages de la lettre des dix-neuf évêques citée dans le rapport de l’archevêque de Tours sur la députation envoyée à Savone au mois de mai 1811, fait à la congrégation générale du concile -national le 5 août de la même année. — Fragmens historiques de M. de Barral, p. 316.