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ecclésiastique, et vous lui communiquerez la lettre comme étant définitivement arrêtée. Vous recueillerez les observations auxquelles elle donnera lieu, et vous me ferez connaître à l’insu de tous l’effet qu’elle aura fait sur le comité et ce que vous en aurez conclu qu’il y aurait à y changer[1]… » L’intention de l’empereur, quand il avait rédigé cette étrange circulaire, était manifeste. Il s’était proposé d’intimider autant que possible le pontife en le dénonçant à la chrétienté entière comme le seul auteur des maux dont souffrait l’église catholique ; jusqu’où toutefois pourrait-il aller en ce sens sans rebuter la complaisance des évêques, qu’il faisait consulter sous main ? Napoléon l’ignorait ; mais il se décida à beaucoup oser, comprenant qu’il serait toujours temps d’effacer après coup ce qui les aurait trop choques. La lettre de convocation au concile, que M. de Barral s’est bien gardé d’insérer dans ses Fragmens historiques, au lieu de contenir, comme il eut été naturel, une simple formule d’invitation, était devenue un véritable réquisitoire, une sorte d’acte d’accusation lancé de haut contre le saint-père. Cependant les évêques se turent ; les observations que l’empereur s’attendait à recevoir, auxquelles il aurait peut-être fait droit dans une certaine mesure, ne se produisirent même point. Afin de sauver un peu les apparences, et pour ne pas mettre les évêques de France dans un trop incommode embarras vis-à-vis de leurs propres diocésains, l’empereur avait daigné recourir au biais ingénieux de ne pas nommer personnellement Pie VII ce fut là toute sa condescendance. « Une des parties contractantes a méconnu le concordat, disait la circulaire ; la conduite que l’on a tenue en Allemagne depuis dix ans a presque détruit l’épiscopat dans cette partie de la chrétienté…. On a troublé les chapitres dans le droit qu’ils ont de pourvoir pendant la vacance du siège à l’administration des diocèses, et l’on a ourdi des manœuvres ténébreuses tendant à exciter la discorde et la sédition parmi nos sujets… C’était pour prévenir un état des choses si contraire au bien de la religion, aux principes de l’église gallicane et aux intérêts de l’état que l’empereur avait résolu de réunir au 9 juin prochain, dans l’église Notre-Dame de Paris, tous les évêques de France et d’Italie en concile national[2]. »

Les prélats choisis par Napoléon pour se rendre à Savone étaient M. de Barral, archevêque de Tours, M. Duvoisin, évêque de Nantes, et M. Mannay, évêque de Trêves, qui reçurent plus tard, par une

  1. Lettre de l’empereur au comte Bigot de Préameneu, 24 avril 1811. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XXII, p. 105.
  2. Circulaire pour la convocation du concile national. Saint-Cloud, 25 avril 1811. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XXII, p. 3.