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les Tuileries, quelques paroles échangées avec eux avaient suffi pour convaincre l’empereur qu’à l’aide d’un peu d’adresse, moyennant certains égards extérieurs et des ménagemens suffisamment gardés, il dépendrait de lui de les mener, dans sa querelle avec le pape, aussi loin qu’il en aurait besoin. Avant de raconter comment ses prévisions se trouvèrent si malheureusement vérifiées, et quel rôle déplorable le cardinal Fesch et les membres principaux de l’épiscopat français trouvèrent bon d’accepter de sa main, il nous faut donner une idée de l’ensemble du plan qu’avait imaginé l’empereur afin d’agir avec une suffisante efficacité sur l’esprit du malheureux prisonnier de Savone. Ce plan, comme tous ceux qui sont sortis du cerveau de ce profond politique, était combiné avec plus d’habileté que de scrupule, et les moindres parties en étaient, on va le voir, fortement liées ensemble.

Napoléon avait résolu de convoquer ostensiblement et avec un certain fracas le concile national avant d’entrer dans aucune espèce de négociation avec Pie VII. Suivant son habitude, son intention, en agissant ainsi, était de mettre le pape, en face d’une détermination publiquement arrêtée et d’un fait pour ainsi dire accompli. Il avait calculé que la crainte de voir une assemblée aussi considérable prendre sans son concours des décisions relatives soit au dogme, soit à la discipline ecclésiastique, donnerait beaucoup à réfléchir au chef de la catholicité et le troublerait fortement. Il attachait donc le plus grand prix à ce que Pie VII fût d’avance convaincu que le futur concile, exclusivement placé sous la dépendance de celui qui l’avait convoqué, partagerait sans réserve, sur la question pendante de l’institution canonique, les doctrines émises par la commission convoquée en 1809. Il souhaitait plus encore : combien forte deviendrait sa position, si Pie VII pouvait être conduit à penser que tous ces prélats si parfaitement dévoués à l’empire ne reculeraient peut-être pas à prononcer la déchéance du souverain pontife ! L’idée de recourir à une pareille extrémité avait, il ne faut pas l’oublier, traversé naguère l’esprit de Napoléon, et, s’il l’avait pour le moment à peu près abandonnée, il ne lui déplaisait pas qu’elle s’offrît comme un épouvantail à l’imagination du saint-père.

Toutes les mesures prises, toutes les paroles prononcées avant le départ des évêques envoyés comme négociateurs à Savone, n’avaient point eu d’autre but que celui que nous venons d’indiquer. La teneur de la circulaire adressée aux membres du futur concile pour les convoquer à Paris se ressentit elle-même de cette préoccupation de l’empereur, et il tint à la rédiger de sa propre main. « Vous ne la publierez pas, disait-il le 24 avril à son ministre des cultes ; mais vous réunirez chez vous le conseil