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Il avait pris son parti, il l’avait fait publiquement connaître, il n’en changerait pas. Jamais il n’avait reculé devant aucun adversaire, tous lui avaient cédé, le pape céderait comme un autre, et le passé d’ailleurs garantissait l’avenir. Pie VII n’avait-il pas témoigné la plus grande répugnance à venir le sacrer à Paris ? et cependant, moitié de gré, moitié de force, il y était venu. Il ne s’agissait que d’employer un peu plus de menaces, un peu plus de contraintes et cette fois encore Pie VII se résignerait.

Ainsi que nous l’avons déjà expliqué, l’empereur était dans cette circonstance à peu près seul de son avis, et la responsabilité de sa résolution lui appartenait exclusivement. Ses plus dévoués partisans et les meilleures têtes de son conseil d’état, s’ils n’avaient osé s’en expliquer clairement devant lui, avaient du moins laissé deviner leur secrète désapprobation. Son oncle lui-même, le cardinal Fesch, n’avait pas manqué de lui signaler à tout propos la gravité du pas qu’il se proposait de franchir, et comme la mesure n’était point une de ses qualités dominantes, il ne s’était pas fait faute de fatiguer son neveu en le menaçant continuellement du courroux du ciel, et en le poursuivant de ses incessantes objurgations. Les discrètes remontrances de l’abbé Émery, de ce modeste prêtre que l’empereur savait fortement attaché aux maximes de l’église gallicane, dont il prisait autant que personne le noble caractère, l’esprit éminent et la rare sagacité, avaient d’abord produit un peu plus d’effet ; mais cela n’avait guère duré, et la mort du chef des sulpiciens avait vite effacé cette impression passagère. Depuis que M. Émery avait disparu de la scène, il n’y avait plus dans tout le clergé français une seule personne douée d’assez d’autorité pour retenir si peu que ce fût l’empereur sur la pente fatale où il allait désormais se précipiter. Le cardinal Fesch, les évêques du comité et les autres prélats réunis en ce moment à Paris, avec lesquels Napoléon entretenait depuis quelque temps des communications presque journalières, étaient précisément les personnages les plus propres à le confirmer, sans le vouloir et sans le savoir, dans son fâcheux dessein. Avec un homme tel que l’empereur, et sur d’aussi délicates matières, que pouvaient les plus honnêtes intentions, si elles n’étaient appuyées de beaucoup de lumières, d’un tact infini et d’une inébranlable fermeté ? Les lumières et le tact manquaient au cardinal Fesch, et la force de caractère faisait défaut à tout ce monde ecclésiastique. Habitué de longue date à mépriser les connaissances théologiques de son oncle, et maintenant impatienté de l’excès de son zèle ultramontain, Napoléon savait parfaitement qu’un mot de sa bouche, le jour où il serait sévèrement prononcé, ferait tomber à terre ce bruyant étalage d’opposition. Quant aux membres du comité et aux prélats qui fréquentaient