Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 78.djvu/506

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jour trouvait trop peu dessinée, trop inactive, et dont aucun parti en Angleterre n’est disposé à s’écarter.

La vraie question est tout intérieure ; elle est dans cette première application du reform-bill. Il y a deux choses dans les élections anglaises : il y a le succès infiniment probable du parti libéral, et il y a les circonstances mêmes qui accompagnent ce succès. Il n’est point douteux que la réforme qui vient de s’accomplir a mis en fermentation la société anglaise tout entière, et que le mouvement actuel laisse entrevoir le progrès du travail démocratique. Déjà en Angleterre, comme en Amérique et même comme en France, on voit poindre le droit des femmes, dont M. Stuart Mill s’est fait le galant avocat, qui se produit avec une tournure toute britannique, que M. Gladstone lui-même a été obligé de traiter sans rire, quoiqu’en faisant ses réserves. Et d’un autre côté les candidatures ouvrières ont fait leur apparition sur le turf électoral : elles n’ont pas de bonheur, il est vrai, jusqu’ici ; elles ne semblent pas même destinées à un succès très prochain, si on en juge par la mésaventure d’un ouvrier cordonnier, homme intelligent d’ailleurs, auxiliaire actif de la reform-league, M. Odger, qui avait eu l’idée de se présenter à Chelsea en concurrence avec un autre candidat libéral, sir Henry Heare. Le cas a été soumis à trois arbitres, MM. Stansfeld, Hugues et Taylor, qui, malgré leurs sentimens très démocratiques, n’ont pas laissé d’écarter la candidature de M. Odger. Le baronnet l’a emporté sans peine sur l’ouvrier. Ce n’est pas moins un singulier symptôme dans l’aristocratique Angleterre. Après tout, c’est là encore une affaire d’avenir. La démocratie anglaise a plus d’une lutte à soutenir pour arriver à exercer une influence décisive. Pour l’instant, ce qui apparaît de plus clair dans le mouvement électoral, c’est la victoire probable du parti libéral désarçonnant M. Disraeli, et portant au pouvoir M. Gladstone, peut-être avec M. Gladstone M. Bright lui-même. Cette victoire est dès aujourd’hui en quelque sorte dans le sentiment public, et on peut bien ajouter que M. Gladstone n’aura pas de petites difficultés à vaincre le jour où il serait ainsi triomphalement ramené au pouvoir ; mais il aura été l’instrument pacifique d’un grand progrès dans les institutions comme dans les mœurs de l’Angleterre.

Le combat électoral est fini aux États-Unis, du moins la première opération du scrutin présidentiel ne laisse plus aucun doute sur l’issue définitive de la lutte. Des trente-sept états de l’Union, trente-quatre seulement devaient prendre part à la formation du collège électoral chargé de désigner le président et le vice-président. Les trois autres, le Mississipi, la Virginie orientale et le Texas, n’ont pu concourir au vote faute de s’être soumis jusqu’ici aux lois de reconstruction. Sur les trente-quatre états votans, le général Grant, comme président, et le speaker Schuyler Colfax, comme vice-président, l’ont emporté dans vingt-cinq états nom-