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qui puisse être indifférent dans la circonscription. Sur toute chose essentielle, il doit avoir un parti à prendre, un rôle à jouer; il doit être, pour ce qui est à sa portée, toujours un conseiller, quelquefois un arbitre, veiller sur les institutions que sa commune comporte et s’y associer par des encouragemens. S’agit-il des écoles, il faut que sa main y pénètre bon gré, mal gré, par des moyens ingénieux, qu’il soit présent aux solennités, qu’on le voie et qu’on l’écoute. S’agit-il des églises, des presbytères, mêmes soins, mêmes dons. S’agit-il de sociétés de chant et de jeux, son nom y fera bien, au moins à titre honoraire. Ce ne sont pas seulement des occasions, ce sont des prétextes qu’il doit saisir pour être connu, fêté, applaudi. L’objet à atteindre est une popularité de bon aloi qui s’attache à des actes utiles, ingénieusement choisis et dignement faits, qui ne pèche ni par des airs de brigue ni des excès de recherche, qui soit, en un mot la conséquence d’une position importante dans le pays, servie par des relations de même nature. Que de souci, dira-t-on, et aussi que de sacrifices! Oui, mais comment aboutir autrement, comment lutter sans cela contre un adversaire armé de toutes pièces? Où est, dans les campagnes, l’élection libre qui n’ait été acquise à titre onéreux? C’est du plus au moins seulement et un complément à ajouter à la somme des influences personnelles, des titres personnels. Hélas ! nous sommes menacés de mœurs pires; avant peu, l’Amérique et l’Angleterre déteindront sur nous; on y sera conduit malgré soi par cette préparation laborieuse qu’exige l’effort direct, souvent en pure perte. Les élections des campagnes tomberaient alors entre les mains d’intermédiaires dressés à ce rude métier. Sans trop dénigrer notre temps, il est permis de craindre qu’on n’y applique un jour les procédés d’entraînement familiers aux agences de courses qui pullulent sur nos boulevards. On traiterait d’une élection à prix débattu, avec résultat garanti. Si ce spectacle n’a pas lieu demain, c’est qu’un peu de pudeur nous reste et nous préserve de ces pratiques déshonnêtes.

A l’appui de ces moyens de défense, n’y a-t-il pas pour le candidat indépendant un terrain favorable pour l’attaque? Il y en a un qui peut se résumer en ceci : rappeler les principes violés et les fautes commises. C’est simple et court; mais que de griefs en peu de mots! Il n’est nul besoin d’énumération ; ces griefs sont dans toutes les mémoires, depuis les milliards ajoutés à la dette publique jusqu’aux lois militaires, qui, en pleine vigueur, feront de la France un vaste camp. De l’argent dépensé en pure perte, du sang versé mal à propos, le peuple des campagnes comprend cela, car il en fournit sa large part. Comment n’a-t-il pas fait le calcul, bien simple pourtant, qu’en temps de guerre et nos forces actives une fois