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cend jusqu’au moindre employé. Ce ne sont pas là des hypothèses; il y a des faits à l’appui. Ainsi dans beaucoup de communes des maisons d’école viennent d’être achevées. Les inaugurations de ce genre se font ordinairement sans bruit; on ne déplace pas pour si peu les fonctionnaires de première catégorie, le maire et un officier d’académie y suffisent. Cette fois, et sur plus d’un point, c’est le préfet qui mène la cérémonie, assisté du recteur, et l’occasion paraît bonne au député en titre pour placer un petit discours. Si l’école est dans la main des frères, l’évêque ne dédaigne pas de figurer dans le cortège à côté du préfet et du recteur; les autorités du canton complètent l’assistance. Le soir, il y a banquet et toasts. Les moindres circonstances, naguère insignifiantes, sont ainsi mises à profit pour arriver jusqu’à la plus humble expression du suffrage universel, l’électeur de la commune, qui n’est point insensible aux frais que l’on fait pour lui. Il y a surtout des mots qui l’émeuvent, par exemple ceux de chemins vicinaux et ruraux. C’est souvent un mirage; mais le campagnard s’y laisse toujours prendre. Que de décrets coup sur coup qui annonçaient des études et des sommes définitives ! Les études faites, c’était à recommencer. La foi du campagnard n’en a pas été ébranlée; on est sur de le toucher dès qu’on lui promet de nouvelles études et de nouveaux millions, ceux-là bien définitifs. C’est le cas aujourd’hui, et, viennent les élections, aucune amorce ne sera plus sûre. Deux fois dans le cours de cette année, les chemins ont été un thème à effet. Les préfets en tournée du conseil de révision n’ont pas manqué de le reproduire, et les sous-préfets ont visité leurs arrondissemens commune par commune pour y agiter avec les conseils municipaux et sur les lieux mêmes les questions pendantes de petite vicinalité. Dans ce contact pour des intérêts locaux, que de politique peut se glisser utilement!

Au sujet des chemins de fer, l’influence est plus active encore. Le pays semble aujourd’hui atteint d’une fièvre chaude que l’on peut nommer la fièvre des embranchemens. Il n’est pas de localité qui y échappe. Devant le ministère des travaux publics, la lutte s’engage entre les départemens, devant le conseil-général entre les arrondissemens, et dans le même arrondissement entre les tracés. On croyait le débat vidé par l’établissement des grands réseaux, il se renouvelle pour les tronçons avec un acharnement pire. Ce sont partout des tempêtes dans un verre d’eau et des animosités d’autant plus vives que les adversaires sont plus voisins. Naturellement l’état a beau jeu au milieu de ces prétentions qui se combattent et entre lesquelles il doit se prononcer comme arbitre. Il y a là dans des élections générales un moyen d’action qui n’en est pas moins réel, même en le renfermant dans des bornes légitimes. Des corps spéciaux préparent ces questions à tous les degrés, et, sans être en-