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sormais seules, et peu à peu à leur exemple les autres se débarrassent de ces tristes lisières que l’on nomme les candidatures officielles.

Mais les campagnes, comment les entamer ? C’est une question plus aisée à poser qu’à résoudre. L’électeur rural n’est pas, comme l’électeur urbain, perméable à toutes les influences qui règnent ; son éducation politique ne se fait pas indirectement, par le seul contact du milieu où il vit ; pour le rallier à soi, il faut agir directement sur lui et, quand on ne lui en impose pas, le convaincre : tâche délicate, et qui, avec des esprits plus aiguisés qu’on ne croit, demande de l’art, des ménagemens et une certaine méthode. Délicate ou non, cette tâche est pour les hommes qui prennent part à la vie publique un devoir et une nécessité : tant qu’elle ne sera pas remplie, le suffrage universel ne sera qu’un mécanisme faussé, ici trop réfractaire, là trop malléable et sujet à se briser dans des chocs incessans. Par quel moyen sortir de là ? Il n’en est qu’un seul, c’est d’aller combattre la pression administrative là où elle s’exerce, c’est-à-dire dans la commune, et d’y employer des instrumens appropriés ; c’est d’apporter dans l’émancipation du vote rural l’habileté qu’on a mise à l’enchaîner. Voyons donc comment le gouvernement s’y est pris et quelle est la voie que l’opinion libérale pourrait suivre.


I.

Au début du régime actuel, les populations agricoles n’ont pas toutes ni d’emblée souscrit à des désignations qui réduisaient à un pur simulacre l’exercice de leur droit électoral. Il y en avait même dans le nombre de fort mal disposées ; c’étaient celles qui avaient porté à l’assemblée législative et sur les sommets de la gauche deux cent trente représentans qui venaient d’être compris dans une dispersion générale : légion nombreuse, où vingt départemens figuraient pour la totalité, trente autres pour une partie de leur députation. Là-dessus les campagnes avaient le lot le plus large et pas le moins ardent. Allaient-elles désarmer ? Il ne manquait pas de gens pour le leur conseiller, et quelques jours avant le coup d’état Michel (de Bourges), rompant en visière à la majorité de l’assemblée, s’était écrié : « C’est au président de la république que vous en voulez ! Le président, mais c’est notre homme ; entre lui et vous, notre choix est fait. » Ces paroles d’avocat avaient eu peu d’échos. Les partis ont plus de clairvoyance, ils font le vide autour de leurs chefs quand ces chefs se trompent. Il y eut donc dans cette fraction des vaincus du 2 décembre un fond de rancune et un goût de revanche qui survécurent aux événemens. Quelques départe-