Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 78.djvu/474

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
II.

Nous sommes maintenant en possession d’un assez grand nombre de faits pour pouvoir formuler quelques observations générales sur la famille des solanées. De l’ensemble des études faites sur les plus dangereuses d’entre elles ressort le tableau caractéristique des effets habituels qu’elles produisent sur l’économie animale. Les principes essentiels que la chimie sait extraire des solanées vireuses peuvent se présenter en doses infinitésimales, ou même faire absolument défaut; mais, s’ils existent en quantités appréciables, on peut être certain d’avance qu’ils seront tout à fait analogues aux alcaloïdes des espèces franchement vénéneuses dont la science a pu étudier les propriétés les plus générales. Ces alcaloïdes, c’est-à-dire ces élémens azotés qui en se combinant avec les acides forment des sels cristallisables, sont désignés en chimie sous diverses dénominations tirées des noms des plantes qui les contiennent; les plus connus sont l’atropine, l’hyoscyamine, la daturine, la solanine, enfin la nicotine. Sous chacun de ces noms faut-il voir un principe spécial? En d’autres termes, est-il bien nécessaire d’attribuer aux élémens constitutifs de la belladone, par exemple, des propriétés caractéristiques qui feraient défaut à ceux de la jusquiame ou du datura? Les chimistes ne le pensent pas. Tout les porte à croire que l’identité de ces produits similaires deviendra manifeste par une étude plus approfondie, et que les quatre premiers alcaloïdes qui sont énumérés plus haut seront peut-être plus tard réduits à un seul. Le cinquième à la vérité présente quelques différences, de telle sorte qu’on peut rapporter ces substances toxiques à deux types caractérisés, le premier par une forme solide cristallisable et une composition quaternaire dont les élémens sont l’oxygène, le carbone, l’hydrogène et l’azote, le second par l’état liquide et une composition simplement ternaire où figurent le carbone, l’hydrogène et l’azote (nicotine). C’est donc sous le nom commun d’atropine que nous pouvons désigner tous les alcaloïdes qui appartiennent au premier groupe, et qui d’ailleurs se distinguent par des actions physiologiques similaires. L’atropine, découverte en 1883, est une substance incolore à saveur acre et très amère; elle cristallise en aigrettes de fines aiguilles soyeuses. Cet alcaloïde exerce sur la pupille des animaux vivans une action toute spéciale, une dilatation tellement constante, tellement infaillible, que l’on peut dire avec li. A. Tardieu : « Le véritable réactif de l’atropine n’est point tel produit chimique, ni telle ou telle coloration obscure et passagère, ce réactif est la pupille d’un animal vivant. »

L’atropine à l’état pur est un des plus redoutables toxiques que