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sécrétés en quantité appréciable, on peut affirmer qu’ils sont similaires, qu’ils appartiennent à cette classe de matières toxiques particulièrement désignées sous le nom de substances vireuses et stupéfiantes.

Nous ne savons presque rien du rôle que jouèrent les solanées dans l’antiquité; l’on ne pourrait même pas affirmer qu’elles furent parfaitement connues. Hippocrate à la vérité parle d’un struchnon dont la description, quelque incomplète qu’elle soit, paraît se rapporter à la plante appelée morelle noire. Un autre struchnon indiqué comme comestible par Théophraste pourrait bien avoir été la morelle mélongène, connue sous le nom d’aubergine. Dioscoride en signale vaguement quatre espèces; Celse en nomme également quelques-unes, et c’est tout. Le moyen âge s’occupait de bien autre chose que de botanique descriptive, et il faut arriver à la fin du XVIe siècle pour trouver dans les ouvrages de l’un des Bauhin la description et l’histoire, non exempte de confusion, des principales solanées de nos climats; puis vinrent Tournefort, autre historien de cette famille, et enfin Clusius, en français Charles de l’Écluse, qui le premier signala particulièrement la pomme de terre en 1601.

Les solanées sont des plantes robustes[1] qui croissent à peu près partout, aussi bien en Sibérie que sous les tropiques; mais c’est particulièrement dans l’Amérique méridionale qu’on les voit se multiplier, depuis les basses plaines les plus ardentes jusqu’à une hauteur de 4,000 mètres au-dessus du niveau de la mer. Elles sont herbacées ou ligneuses, annuelles ou vivaces, et atteignent en de certaines régions des dimensions considérables. Les feuilles, généralement simples, se montrent très diversement échancrées ou lobées; le calice, toujours en cloche, se frange d’une dentelure variable, et dans certains genres il s’accroît après la floraison au point d’entourer le fruit entier d’une enveloppe protectrice. La corolle, bien que toujours monopétale, se distingue par ses formes variées, et le fruit, tantôt baie, tantôt capsule, se divise en chambrettes ou loges que remplissent de nombreuses graines plus ou moins comprimées, réniformes, c’est-à-dire à peu près semblables à de petits haricots, et à épisperme chagriné. On voit que les détails spéciaux de la famille des solanées offraient un choix suffisant aux botanistes classificateurs : aussi ces derniers ont-ils pu établir une caractéristique rigoureuse, particulièrement basée sur la nature du fruit, tantôt bacciforme, c’est-à-dire plus ou moins succulent,

  1. Des graines de Datura stramonium ont germé après un siècle dans l’île d’Anglesey en 1813.