Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 78.djvu/427

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment des biens des mineurs, qu’on lui attribuât la juridiction des tribunaux de première instance concernant le partage et les homologations pour les successions d’une importance minime, qu’on étendît sa compétence à toutes les contestations entre propriétaires et fermiers, entre vendeurs et acheteurs, qu’il eût le pouvoir de juger en dernier ressort jusqu’à 500 francs. « Une prompte justice de près, écrivait il y a cent ans le marquis de Mirabeau, vaut mieux que la meilleure justice de loin. Un berger peut perdre un mouton, mais, s’il est obligé d’aller plaider loin pour le ravoir, adieu tout le troupeau. » Ces simplifications dans la procédure, comme du reste presque toutes les réformes réclamées dans l’enquête, intéressent particulièrement la petite propriété. Tout ce qui fait perdre du temps et de l’argent est déplacé dans le monde rural. Si on trouve les juges de paix trop chargés par ces nouvelles attributions, qu’on transporte quelques-unes de leurs fonctions aux maires, qui deviendraient alors plus complètement ce qu’ils sont déjà en partie, l’analogue des juges de paix anglais.


IV.

La législation fiscale forme, après la question de population, la partie la plus importante de l’enquête. Un grand nombre de demandes ont eu pour objet des remaniemens d’impôts. Le produit des contributions publiques, qui s’élevait il y a quinze ans à 1,500 millions, arrive aujourd’hui à 2 milliards. Cette progression constante alarme à bon droit les contribuables, d’autant plus qu’elle n’empêche pas les dépenses de marcher encore plus vite. La méthode suivie par les financiers anglais, et qui consiste à dégrever les impôts à mesure que s’accroissent les recettes publiques, est bien préférable. A chaque dégrèvement, la recette décroît, puis elle remonte et bientôt déborde. Le budget ne passe pas ainsi certaines limites, et les contribuables profitent du progrès de la richesse nationale. Il est grand temps d’appliquer ce système en France. Au lieu de s’accumuler, nos économies sont dévorées d’avance. Admettons que des réductions bien entendues puissent ramener le budget à de moindres proportions, tout ce qui s’élèverait au-delà fournirait matière à dégrèvement. L’agriculture se présente la première pour solliciter des réductions d’impôt, parce qu’elle est la plus chargée. Elle paie sous toutes les formes, par l’impôt foncier d’abord, puis par l’impôt sur les mutations d’immeubles, par les impôts indirects, qui frappent la plupart de ses produits, par les octrois à l’entrée des villes ; elle porte à elle seule les trois quarts du fardeau, quoiqu’elle ne forme pas les trois quarts de la richesse.