Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 78.djvu/421

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à une importation immense que ne compense pas une exportation correspondante[1], et malgré ce secours qui nous est bien nécessaire combien de Français sont encore réduits à se nourrir de grains inférieurs, à se passer de viande et de vin ! L’optimisme le plus intrépide ne peut fermer les yeux sur de pareils faits. Si le gouvernement n’en avait pas été frappé, il n’aurait pas ordonné l’enquête.


III.

Les voies de communication qui intéressent le plus directement l’agriculture sont les chemins vicinaux. Sous ce rapport, l’enquête a déjà eu un résultat considérable. Depuis trente ans, sous l’action de la loi de 1836, 240,000 kilomètres de chemins avaient été portés à l’état d’entretien, et 110,000 étaient parvenus à des degrés divers d’avancement. Il s’agit aujourd’hui de terminer le réseau et de le répartir plus uniformément sur la surface du territoire. La moitié de la France possède les deux tiers des chemins ouverts, l’autre moitié n’en a qu’un tiers seulement. Il faut pourvoir aux besoins de cette seconde moitié sans négliger la première, qui présente encore de grandes inégalités. Nous ne sommes plus au temps où la loi de 1836 devait ordonner les mesures nécessaires pour vaincre la résistance des communes. Tout le monde comprend l’utilité des chemins et veut en avoir. Le gouvernement a proposé cette année, à la suite de l’enquête, une loi qui affecte de nouvelles ressources à l’achèvement des chemins vicinaux. Le corps législatif l’a votée avec empressement, et il ne reste plus qu’à l’exécuter.

On peut même dire que les demandes pour de nouveaux chemins ont été poussées trop loin, en ce sens qu’aux chemins vicinaux on a demandé presque partout d’ajouter ce qu’on appelle des chemins ruraux. Ceux qui voudraient mettre ces chemins à la charge des communes ne réfléchissent pas à l’énorme dépense que va entraîner l’exécution des chemins vicinaux. Le réseau actuel a coûté au moins 2 milliards, il en faudra autant pour le terminer. Même avec les secours de l’état et des départemens, les communes ne pourront achever cette immense entreprise avant quinze ou vingt ans. La question des chemins ruraux n’est pas suffisamment étudiée ; on n’est même pas d’accord sur la définition du mot. Qu’est-ce qu’un chemin rural ? Est-ce un chemin nécessaire à la circulation ? Alors c’est un véritable chemin vicinal, et il doit être classé comme tel. Est-ce un chemin servant à l’exploitation des terres ? Ce n’est dans ce cas qu’un chemin privé qui doit être entretenu par les proprié-

  1. En 1867, l’importation des produits agricoles a été de plus d’un milliard, tandis que l’exportation a dépassé à peine 500 millions.