Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 78.djvu/362

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

d’en frapper, on craint de n’être pas à l’abri de toute fraude. Nous n’irons pas jusqu’à supposer, comme on l’a dit, que les états qui ont signé la convention soient les premiers à la violer, que ceux qui sont besoigneux trouvent des ressources faciles à fabriquer cette monnaie au-delà de la mesure, et à l’exporter ensuite dans les pays voisins, qui ne peuvent pas la refuser. Nous croyons cette accusation mal fondée, et nous avons la conviction au contraire que les gouvernemens qui se sont entendus en 1865 exercent un contrôle assez sévère les uns sur les autres, et que, si on apercevait un abus quelque part, on s’empresserait d’en poursuivre le redressement. Une clause de la convention en indique même le moyen, qui est de demander à chaque état le remboursement de la monnaie divisionnaire à son effigie; mais les scrupules et les difficultés qui peuvent arrêter une nation n’agissent pas au même degré sur les individus, sur la spéculation privée : celle-ci ne consulte que son intérêt. Or il y a, paraît-il, à fabriquer une pièce de 1 franc en argent au titre de 835 millièmes de fin au lieu de 900 un profit d’environ 7 ou 8 centimes; il est de 14 à 15 centimes sur la pièce de 2 francs. C’est déjà une tentation puissante, et nous ne voudrions pas répondre qu’elle ne soit pas pour quelque chose dans la quantité de pièces étrangères, italiennes surtout, dont nous sommes inondés. Que serait-ce si avec la pièce de 5 francs billonnée le bénéfice s’élevait à 35 et 40 centimes! On ne pourrait pas empêcher la spéculation, et il serait fort à craindre que malgré la surveillance la plus attentive de la part des gouvernemens elle n’arrivât à augmenter singulièrement le nombre de ces pièces.

L’observation a été présentée par un homme très compétent sur la matière, par un affineur de métaux précieux, M. Dubois-Caplain[1]; il signale ce danger comme un de ceux qui doivent faire hésiter le gouvernement à propos de la fabrication de pièces d’argent billonnées. Il faut remarquer en effet qu’il serait assez difficile de distinguer celles qui seraient fabriquées irrégulièrement de celles qui l’auraient été légalement. Il ne s’agirait pas là de pièces fausses en plomb ou en autre métal, ou même ayant plus d’alliage qu’elles ne doivent en avoir; elles seraient toutes du même poids et au même titre : il faudrait en reconnaître l’origine. Nous ne prétendons pas que ce soit absolument impossible, puisque nous n’avons pas d’autre garantie contre la falsification de la monnaie fiduciaire; mais la difficulté est plus grande en ce qui concerne cette monnaie. Il faut d’abord imiter le papier, et la Banque de France en a un tout spécial qui est fabriqué exclusivement pour elle; il faut ensuite con-

  1. Voyez une Lettre à M. Dumas, président de la commission des monnaies, 1868.