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M. Soetbeer, a tracé un tableau curieux de la production relative des deux métaux précieux depuis 1800. Celle de l’argent est à son chiffre le plus bas par rapport à l’or en 1853, elle est cotée à 19 pour 100 seulement. A partir de cette époque, elle monte d’année en année, et en 1867 elle atteint 33 pour 100. Si cette progression continue, — et rien ne dit qu’elle ne continuera pas, — pendant que d’autre part les débouchés se fermeront, les pays à double étalon peuvent se trouver livrés aux plus graves embarras, le nôtre surtout, qui est le plus gros consommateur de métaux précieux qui existe en Europe.

Le grand obstacle au développement des mines d’argent a été jusqu’à ces derniers temps, en dehors de la difficulté des transports et des impôts de toute nature qui ont grevé l’exploitation, le haut prix auquel il a fallu payer le mercure qui sert à l’amalgame du métal d’argent. En 1850, on a trouvé en Californie une mine de mercure des plus abondantes. Immédiatement le prix de cet agent indispensable s’est abaissé des deux tiers, et on a vu augmenter sensiblement la production de l’argent. Que faut-il pour que cette augmentation continue? Que le prix du mercure baisse encore, — et cela peut résulter de la découverte de nouvelles mines, — qu’il y ait un peu plus de sécurité dans les transports et moins d’impôts sur l’exploitation. Toutes ces améliorations peuvent se trouver réunies, mais une seule suffit pour qu’il y ait progression, et la progression n’est pas même nécessaire. Avec deux années de ralentissement dans les débouchés de l’extrême Asie l’argent a perdu l’avantage qu’il possédait naguère sur l’or. Supposons que ce ralentissement se prolonge, supposons de plus, ce qui est dans les probabilités, que l’argent soit moins employé par l’Europe, et immédiatement nous le verrons revenir chez nous en grande abondance et avec d’autant plus de rapidité que les débouchés se fermeraient ailleurs : bientôt nous n’aurions plus que de la monnaie d’argent. Est-il quelqu’un aujourd’hui qui, en présence des exigences nouvelles de la civilisation, des habitudes prises, puisse envisager avec calme une pareille éventualité? Il ne faut pas se faire illusion, elle nous menace sérieusement. Le maintien du double étalon n’a pas eu d’inconvénient grave jusqu’à ce jour, parce que la substitution d’un métal à l’autre s’est faite dans le sens du progrès et des besoins de l’avenir. Si elle se faisait en sens contraire, les inconvéniens apparaîtraient à tous les yeux, personne ne voudrait les accepter. Les trésoriers-payeurs-généraux et les chambres de commerce, dans leurs réponses aux questions posées par la circulaire du ministre des finances, ont dit qu’il pouvait y avoir 9 ou 10 pour 100 d’argent dans la circulation métallique de la