Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 78.djvu/359

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

métaux que, contrairement à la croyance générale, le plus sensible aux variations de valeur, le plus susceptible de se déprécier, c’est le moins abondant, c’est l’argent. Au moindre temps d’arrêt qu’il éprouve dans un de ses débouchés, il baisse de valeur. Depuis quinze ans, nous en avons exporté en Asie environ pour 2 milliards 1/2, la Hollande en a pris pour 1/2 milliard en remplacement de son or; c’est à peu près l’équivalent de la production dans le même espace de temps, au moins de celle qui arrive jusqu’à nous. Eh bien ! malgré cela, il a suffi que depuis deux ans nous ayons vu se fermer dans une certaine mesure nos débouchés vers l’extrême Orient, — ceux de l’Inde parce qu’elle n’a plus été chargée seule d’approvisionner l’Europe de coton et qu’on a eu moins à lui payer, ceux du Japon et de la Chine par suite de discordes civiles, — pour qu’immédiatement l’argent perdît la prime de 1 1/2 ou 2 pour 100 dont il jouissait, et comme il n’a plus trouvé en Europe la compensation de l’emploi qui lui manquait en Orient, il a reflué sur les pays à double étalon ou à étalon d’argent en se dépréciant. L’or maintenant est produit chaque année en quantité considérable, pour une valeur trois fois plus grande que celle de l’argent; mais chaque année aussi il acquiert des débouchés nouveaux. Pour lui, le marché s’agrandit sans cesse, tandis qu’il se resserre pour son concurrent. On agit donc en sens inverse de l’idée qu’on poursuit quand on cherche avec ce dernier métal l’instrument d’échange qui ait la valeur la plus fixe, et qui puisse donner plus de stabilité aux contrats ; c’est l’or qui possède aujourd’hui cet avantage, et il faut s’empresser de le reconnaître pour agir en conséquence.

Dans notre précédent travail, nous avons cité un extrait de l’opinion de M. de Humboldt, qui disait, il y a quarante ans, en parlant des gîtes argentifères de l’Amérique, que les Européens avaient à peine commencé à jouir de cet inépuisable filon de richesses que possède le Nouveau-Monde; d’autres voyageurs ont exprimé la même idée, et un savant géologue, M. Dufresnoy, étudiant aussi l’avenir de la production des métaux précieux, a pensé, lui, que les mines d’or de la Californie deviendraient la source du développement des mines d’argent au Mexique, ce qui signifie qu’avec l’augmentation de richesse que procurera l’or on aura plus de capitaux à consacrer aux mines d’argent, et qu’on les rendra aussi plus productives. Ce qu’il y a de sûr, c’est que malgré les discordes civiles qui troublent les pays où ces mines se trouvent principalement, malgré l’insécurité des moyens de transport et les exactions de toute nature auxquelles l’exploitation est soumise, elles rendent chaque année de plus en plus. Un économiste allemand,