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plus grande partie de notre argent a disparu et que la circulation est presque tout entière en or, l’œuvre serait très difficile, très dispendieuse, presque impossible. Personne ne pourrait songer, par exemple, à remplacer 3 milliards 1/2 d’or qui existent peut-être en France par 3 milliards 1/2 d’argent. On ne saurait où les prendre, et on ferait renchérir ce dernier métal d’une façon prodigieuse. Il est donc question, nous le répétons, non plus de supprimer l’or, mais de savoir quelle part on lui fera dans la circulation.

La foi dans le double étalon, ébranlée depuis longtemps dans l’esprit des hommes de science, a commencé de l’être pour tout le monde à la suite de la convention que nous avons faite avec plusieurs états limitrophes à la fin de 1865 pour régler d’un commun accord l’état de la monnaie divisionnaire. Cette convention ne touchait pas, il est vrai, au principe du double étalon, elle le respectait là où il existait, et c’était peut-être un tort; mais pour empêcher l’exportation de la monnaie divisionnaire d’argent, dont la rareté se faisait sentir de plus en plus dans les transactions et les gênait, elle décidait qu’on en abaisserait le litre de 900 à 835 millièmes, et qu’on n’en ferait plus qu’une monnaie d’appoint. Il y avait donc une singulière anomalie à laisser subsister deux pièces de même métal dont l’une à 900 millièmes de fin et l’autre à 835 millièmes. Aussi le public se dit-il tout naturellement que ce qui était bon pour retenir la monnaie divisionnaire le serait également pour retenir la pièce de 5 francs, si tant est qu’on voulût la retenir. Que si au contraire on n’en avait pas besoin, et qu’on fut résigné à la voir disparaître complètement, l’état pouvait bien lui-même réaliser le bénéfice qu’il y aurait à en opérer le retrait, au lieu de l’abandonner à la spéculation. Cela compenserait les frais qu’il aurait à faire pour la remplacer par de la monnaie d’or. En 1866, notre gouvernement nomma une commission pour étudier la question. Elle fut composée de huit membres choisis parmi les hommes les plus compétens. Cette commission, après plusieurs réunions, se prononça pour le maintien du statu quo à la majorité de 5 voix contre 3. Nous ne savons pas exactement quelles sont les raisons qui l’ont décidée, elle n’a pas, à notre connaissance, publié les procès-verbaux de ses séances. On croit seulement qu’elle a été surtout entraînée par cette considération, que, le double étalon n’ayant pas eu jusqu’ici d’inconvéniens pratiques, il n’y avait pas nécessité de rien changer à notre circulation. L’année suivante, à l’occasion de l’exposition universelle, la question fut reprise; il y eut alors une conférence de délégués envoyés par les divers états, et ayant mission d’examiner si on ne pourrait point s’entendre pour avoir une monnaie qui eût un caractère international, qui réalisât ce qu’on appelle l’unité monétaire, soit sur la