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facé pour toujours. Vous regrettez cruellement cette signature fatale? Annulons-la, déchirons ce maudit contrat. Sur un mot de vous, sur un signe, je vous déclare que la chose sera faite.

Et maintenant ne venez pas me demander par quels moyens j’arriverai à ce résultat. On trouve dans son cœur des armes puissantes de persuasion, mon cher abbé, lorsqu’il s’agit du bonheur de ses amis.


L’ABBE LEROUX A LA COMTESSE DE X...

Hélas ! madame la comtesse, votre précieuse sympathie vient apporter à mes petits chagrins une bien tardive consolation. Je n’en suis pas moins profondément touché par les témoignages affectueux dont vous voulez bien m’honorer.

Je ne saurais m’en cacher, mon cœur se serra lorsqu’il fallut signer cet acte qui me dépossédait à tout jamais de mon humble toit; mais bientôt je me demandai" s’il n’y avait pas dans une douleur semblable une trop grande attache aux avantages passagers de ce monde, si la Providence ne m’envoyait pas à dessein cette petite épreuve, et je trouvai dans des préoccupations d’un ordre plus élevé l’oubli de ces misères.

Annuler ce contrat I Et que ne manquerait-on pas de dire, grand Dieu! Quels moyens, quelles influences ne m’accuserait-on pas d’avoir employés pour en arriver à l’annulation d’engagemens publiquement et loyalement contractés!

Non, chère dame, acceptons les faits accomplis. Par goût et par respect pour mon caractère, je crains le bruit que causent de semblables affaires, et je tiens à éviter les bavardages qui en seraient la conséquence. Sans doute le moment fut douloureux pour moi, mais le coup est porté, et j’aurais honte d’attacher à cette petite blessure plus d’importance qu’il ne convient.

D’ailleurs, si douce et si persuasive que soit votre influence auprès de M. le comte, vous croyez peut-être la victoire plus facile qu’elle ne le serait, et pour rien au monde je ne voudrais vous exposer, chère dame, à un échec dont votre trop grande bonté ne peut admettre la possibilité. Encore une fois, acceptons les faits accomplis, et ne changeons rien aux choses que les lois humaines ont revêtues de leur sanction.

J’apprends l’insuccès de M. le comte aux dernières élections; veuillez lui transmettre mes complimens de condoléance.

Abbé Leroux.


Pour avoir collationné les textes :

GUSTAVE DROZ.