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terrain légal pour la résistance dont rien désormais ne pourrait plus l’arracher. Cette adresse était comme une nouvelle bulle d’or où étaient inscrits tous les titres de noblesse et toutes les libertés de la nation magyare, elle est insérée au trésor des archives nationales, et sans cesse on la cite avec fierté. Ainsi que le disait alors un émigré hongrois, Deák l’a déposée sur le seuil qui sépare l’Autriche de la Hongrie, et nul empereur ne montera plus sur la « colline du couronnement » sans l’avoir relevée pour s’y conformer.

Dans cette mémorable pièce, celui qu’on appelait le « sage de la patrie » dit d’abord nettement que la Hongrie ne peut accepter une constitution octroyée. Ce qu’elle veut, c’est qu’on lui rende son antique constitution, née du développement historique de la nation, garantie par des traités, consacrée par l’expérience des siècles, et que le peuple lui-même pourra modifier, si les nécessités de l’époque le réclament. Le droit et la justice, la sainteté des contrats sont pour nous, ajoutait-il; contre nous, il n’y a que la force des armes. On veut faire de la Hongrie une partie intégrante, une province d’un empire autrichien, d’un état unitaire qui n’a jamais existé : nous ne pouvons y consentir sans sacrifier l’existence indépendante, la constitution traditionnelle de la Hongrie, et c’est ce que nous n’avons pas le droit de faire. La pragmatique sanction, qui est le traité en vertu duquel l’empereur est roi de Hongrie, considère notre pays comme un état indépendant. Les successeurs de Charles III, Marie-Thérèse, Léopold II, François Ier, Ferdinand V, ont tous respecté notre indépendance et notre droit de ne payer d’autres impôts que ceux votés par la diète. Joseph II seul a refusé de se faire couronner pour ne pas devoir sanctionner nos privilèges dans son diplôme inaugural. Aussi la Hongrie ne l’a-t-elle jamais reconnu comme son souverain légitime, et ses rescrits n’ont pas été insérés dans le recueil de nos lois. Le lien que la pragmatique sanction et tous les autres traités ont établi entre la Hongrie et les états héréditaires est une sorte d’union personnelle. De véritable union réelle, il n’y a pas trace. L’intérêt le plus évident de notre pays nous défend de confier la faculté de lever chez nous des hommes et des impôts aux décisions d’une assemblée où nos représentans seraient en minorité. L’Autriche a à défendre en Allemagne des intérêts qui ne sont pas les nôtres. Elle fait partie de la confédération, la Hongrie point, et cependant celle-ci pourrait être entraînée à prendre part à une guerre qui ne la concernerait en aucune manière. — Après avoir réclamé la restitution à la couronne de saint Etienne de toutes les partes adnexœ, Transylvanie, Croatie, Slavonie et confins militaires, l’adresse finissait par déclarer catégoriquement que jamais la Hongrie n’enverrait de députés à un parlement central, que ja-