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retrouvait son drapeau. Il fallait, dans la politique extérieure, montrer l’épée de la France à la coalition européenne, toujours prête à se recomposer, protéger les nationalités en insurrection, aller jeter au fond du Rhin les traités de 1815. A l’intérieur, si on adoptait une royauté nouvelle, il fallait lui imprimer le sceau d’une origine populaire et l’entourer de toutes les libertés, en inaugurant le nouveau régime par une constitution plus large et plus démocratique. Il fallait, en un mot, rompre avec le passé. Pour ceux qui n’avaient point la haine de la restauration, qui auraient voulu qu’elle vécût sans coups d’état, et qui voyaient simplement dans la révolution la défense de la légalité outragée, il ne s’agissait plus de tout cela. L’essentiel était de modérer au plus vite cette révolution, de la faire rentrer dans l’ordre constitutionnel, de la désarmer de ce qu’elle avait de menaçant pour l’Europe, de la ramener au strict nécessaire, en contenant les ardeurs nationales et les déchaînemens démocratiques. L’idéal eût été le retour le plus prompt à la légalité, au régime de la charte avec la garantie d’une royauté plus libérale personnifiant la France nouvelle.

De là ces deux politiques que M. Guizot appelle la politique du mouvement et la politique de résistance, qui se manifestaient immédiatement et s’entre-choquaient sans cesse, sauf à transiger presque toujours dans les premiers momens. Le vœu populaire était pour une royauté nouvelle; mais aussitôt, pour atténuer l’effet de cette origine révolutionnaire, on imaginait une théorie des dynasties collatérales, des « princes les plus rapprochés du trône, » une quasi-légitimité faisant la plus petite brèche possible au droit héréditaire. Entre ceux qui ne voulaient rien changer à la charte et ceux qui voulaient tout changer, on trouvait un terme moyen, la charte avec quelques modifications et le millésime de 1830. On disputait sur des distinctions, pour savoir si le roi Louis-Philippe avait dit que la charte ou qu’une charte serait désormais une vérité. C’étaient des luttes quelquefois puériles, presque toujours passionnées et ardentes qui avaient pour théâtre les premiers conseils du nouveau roi, les chambres, la place publique, l’âme même de la nation. Le régime de 1830 est né dans ces luttes, il a vécu, il a grandi par elles, et ce qu’il y a de plus étrange, c’est que le jour où elles ont perdu de leur vivacité et où le terrain a paru affermi, le jour où la politique de résistance a semblé définitivement victorieuse, le régime s’est affaissé, comme si la vigilance et la force s’étaient épuisées avec le combat.

Je n’ai pas besoin de dire pour quelle politique était M. Guizot. Son choix était tout fait d’avance, et il n’avait point à se démentir pour être ce qu’il a été. Libéral de la veille, révolutionnaire d’un jour par accident ou par nécessité, conservateur du lendemain par pré-