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daient la seconde restauration, devenue plus inévitable encore que la première, et que M. Guizot tentait la démarche la plus hasardeuse en allant à Gand comme le plénipotentiaire des modérés de France auprès de Louis XYIII ; c’est avec cette pensée, invariablement modératrice et constitutionnelle, qu’ils reprenaient tous leur place dans la politique au lendemain des cent-jours, et que M. Guizot devenait secrétaire-général de M. Barbé-Marbois au ministère de la justice, comme il l’avait été de l’abbé de Montesquiou au ministère de l’intérieur. Secrétaire-général dans les premiers cabinets de la restauration en 1814 et en 1815, président du conseil dans le dernier ministère de la monarchie parlementaire en 1848, ces changemens de fortune, ces dates, ces contrastes, ne sont pas seulement la singulière et saisissante expression de la vie publique d’un homme, ils résument une époque coupée elle-même par une révolution nouvelle ; ils forment en quelque sorte le cadre des deux grandes périodes constitutionnelles auxquelles M. Guizot s’est trouvé associé par l’esprit comme par l’action, avec cette différence toutefois que dans la première, c’est le philosophe, l’historien, le publiciste, prenant bien vite le pas sur l’acteur secondaire de la politique et arrivant à la popularité par l’éclat de l’intelligence ; dans la seconde, c’est l’homme d’état appliquant les théories du philosophe, portant ses idées au pouvoir et succombant avec elles.


II.

Assurément, dans notre histoire française, la restauration a été une des périodes les plus fécondes. Après les excitations guerrières et les grandeurs décevantes de l’empire, elle a eu et elle a gardé à travers tout le séduisant reflet d’une des époques les plus favorables à toutes les activités de l’esprit, aux aspirations généreuses et aux vivaces enthousiasmes. Elle a été comme le printemps libéral et intellectuel de ce siècle. Ce fut son malheur de naître sous le poids d’une double fatalité contre laquelle elle n’a cessé de se raidir, et qui a fini par la tuer. Jetée en France par un reflux de l’invasion étrangère, apparaissant à travers une humiliation nationale, elle devait avoir contre elle le sentiment patriotique offensé ; par les passions d’ancien régime dont elle portait le germe, elle devait troubler, irriter les instincts libéraux, les intérêts de la société moderne, et la violente péripétie des cent-jours, en amenant une seconde invasion, en poussant à l’extrême toutes les animosités, n’avait fait qu’envenimer cette tragique situation. Cette fatalité cependant n’était qu’apparente et n’avait rien d’irrémédiable.

Ce n’était évidemment que par une criante injustice des partis