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côtes du Finistère ; ce sont, d’après l’opinion la plus accréditée, les mêmes bandes qui, après avoir touché l’Angleterre, reparaissent vers les îles d’Ouessant. Durant l’été, les phalanges se succèdent sans cesse, ne faisant guère que passer. À mesure que la saison avance, le poisson, d’abord fort exigu, grossit et se fortifie. Il atteint son développement normal vers le milieu d’août.

Les bancs de sardines sont parfois tellement compactes qu’ils semblent ne former qu’un seul corps obéissant à une même impulsion. Ils se présentent alors sur un front de 8 ou 10 mètres de large, avec une longueur variable que l’œil ne peut pas toujours calculer. L’eau disparaît presque sous les écailles argentées de ces agiles voyageurs. D’autres fois, par suite de certaines circonstances atmosphériques, les blocs se divisent, et les poissons dispersés courent à l’aventure. Il arrive en outre après des bourrasques un peu fortes ou même sans cause apparente que les phalanges se cachent complètement pendant plusieurs jours, laissant le pêcheur découragé à ses inutiles poursuites. La sardine se tient le plus souvent à 3 ou 4 kilomètres du rivage ; point de règle absolue néanmoins à cet égard, la pêche réussit parfois à quelques encablures de la côte. À la fin de la saison, quand le poisson s’apprête à s’éloigner, on est contraint de s’élancer après lui jusqu’à sept ou huit lieues du côté de Belle-Isle. L’époque à laquelle ces hôtes temporaires recherchent nos rivages est celle de la reproduction. Les œufs sont déposés sur des roches ou des plantes marines, toujours à de grandes profondeurs. Aussitôt après l’éclosion, on aperçoit suivant les bancs des armées de jeunes sardines extrêmement petites qui s’enfuient avec les autres au mois de novembre ou de décembre. Sont-ce celles-là qui reviendront l’année suivante aux lieux où elles sont nées ? Doivent-elles en attendant entreprendre une lointaine pérégrination, ou s’enfoncent-elles seulement dans les gouffres de l’Océan ? Autant de points obscurs dans l’histoire naturelle de la sardine. Seulement on peut être assuré que la moisson ne manquera point sur ces rivages à l’heure accoutumée.

Le mode suivi pour recueillir cette espèce de manne marine offre certaines particularités assez curieuses. Les embarcations, munies d’une très grande voile, sont montées par quatre ou cinq hommes accompagnés d’un mousse. Ce personnel, sur les côtes les plus voisines de la Loire, forme un total de 800 à 900 individus. Cela représente, en y comprenant les familles des pêcheurs, une population de 3 à 4,000 âmes dont l’existence est liée aux hasards de cette rude et aléatoire poursuite des sardines. Quant au matériel, en dehors de la barque, qui en est la partie principale, il ne comprend que les filets destinés à prendre le poisson et les appâts