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compagnie en lui concédant le monopole de la vente dans dix départemens, les mines furent aliénées en vertu de la loi du 1er juin 1840. Elles furent achetées par la reine d’Espagne Marie-Christine; mais depuis lors elles ont été revendues, de nouvelles concessions ont été faites, et les salines appartiennent aujourd’hui à des sociétés particulières, toutes très fortement constituées. Dans le midi, de puissantes associations se sont également créées. Après avoir éprouvé diverses tribulations, elles sont restées maîtresses de la production et de la vente. Aussi les salines de l’est et du midi ont-elles pu traiter de puissance à puissance avec les compagnies de chemins de fer quand il s’est agi d’établir les tarifs qui devaient leur être appliqués pour les transports. Les voies ferrées desservaient d’ailleurs les bassins du Rhin et du Rhône longtemps avant de pénétrer jusqu’aux extrémités de celui de la Loire. La région salicole qui s’étend au-dessous de Nantes attend encore d’être reliée au réseau de la compagnie d’Orléans. Aussi le marché s’est-il resserré de plus en plus. Tandis que le sel de l’ouest se vendait jadis sûr toutes les côtes de la Manche et à l’intérieur jusqu’à Amiens, Clermont-Ferrand, Tulle, Mont-de-Marsan, il a bien de la peine à venir aujourd’hui à Caen, à Orléans, à Poitiers. Le débouché si important qu’offrait la capitale est perdu. En dehors du cercle étroit des provinces limitrophes, la basse Loire n’expédie plus que des masses peu importantes et pour des emplois où les qualités spéciales du sel marin de l’ouest sont absolument réclamées.

Qu’il fût impossible de songer à réagir contre les conséquences naturelles des perfectionnemens réalisés dans les voies de transport, c’est trop évident. Personne n’a eu cette idée. C’est donc ailleurs qu’il faut chercher les moyens de soulager l’industrie du sel marin dans l’ouest et de lui permettre de soutenir la lutte avec des armes moins inégales; mais ces moyens, il faut les chercher et les trouver sans retard. Propriété avilie et presque sans revenu, travail découragé et sans rétribution suffisante, tel est le terme où l’on est arrivé. Appliquer un remède prompt et efficace ou assister à la ruine complète d’une industrie qui est l’unique gagne-pain d’une population éprouvée et méritante, voilà l’alternative à laquelle se trouvent réduits le législateur et les intéressés.

On a parlé même, en dehors du pays, d’abandonner purement et simplement l’exploitation des marais salans. La solution à coup sûr serait sommaire; seulement elle deviendrait une véritable calamité publique. Les marais délaissés compromettraient gravement la salubrité de toute la contrée, et cela pendant longtemps, car il n’y a point de culture possible sur le sol des salines avant un terme diversement évalué, mais toujours considérable. Dans l’intervalle,