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qui donnait sur la campagne était fermée, les bourgeois étaient su les remparts. La nuit se passa à jeter quelques bombes. Au matin, voulant savoir à quel genre de troupes il avait affaire, Forbin descendit dans un canot et alla ranger le rivage à une portée de fusil afin de trouver un lieu de débarquement. A la confusion et à l’inégalité du tir, Forbin reconnut des bourgeois; ils étaient à peu près quatre cents. Ayant rencontré un endroit convenable pour débarquer, il balaya la plage par un feu nourri de mousqueterie et de pierriers, et, mettant à terre un officier avec 80 hommes, il le chargea de pénétrer dans le bourg par la porte de la campagne. Lui-même, avec ses embarcations, alla forcer le port. Ils entrèrent en même temps. Pendant que Forbin, dans une sorte d’armistice, posait des corps de garde, et que les bourgeois se consultaient pour racheter le bourg, les soldats et les matelots commencèrent le pillage. Il ne fallait plus songer à une capitulation. Forbin organisa le pillage, rembarqua ses hommes, et dans la journée même se présenta devant Fiume, tout épouvantée du sac de Lourano. Immédiatement l’on convint du rachat pour A0,000 écus et 1,000 sequins de cadeau à Forbin ; mais le lendemain, au moment où les embarcations françaises se rendaient à terre pour un traité définitif, et y portaient en outre les aumôniers chargés de rendre les vases sacrés que l’on avait pris à Lourano, elles furent reçues par un feu tellement vif qu’elles revinrent à bord en toute hâte. Un officier-général de l’empire, qui était arrivé pendant la nuit, n’avait pas voulu reconnaître la capitulation, et avait fait mettre la ville en état de défense. Forbin alla lui-même sonder, mais il trouva quatre-vingts brasses de fond, et fut accueilli par une canonnade si nourrie qu’il craignit d’exposer ses bombardes en pure perte. Il prit le parti de la retraite, non sans avoir envoyé quelques volées à la ville.

Tandis que ces incidens avaient lieu dans l’Adriatique, des événemens plus sérieux déjà se passaient au golfe du Mexique. La guerre semblait s’essayer aux deux extrémités du vaste théâtre qu’elle allait bientôt remplir. Dès 1701, l’amiral anglais Benbow avait été envoyé en Amérique pour convertir de gré ou de force à la cause de l’archiduc Charles, désigné par les alliés pour être roi d’Espagne, les gouverneurs des colonies espagnoles. Il y avait échoué, car Château-Regnault et Ducasse, expédiés chacun avec une escadre, l’un pour convoyer en Europe les galions du Mexique, l’autre pour lui faciliter cette opération, avaient fait proclamer la royauté de Philippe V. Pendant que Château-Regnault ralliait ses galions, Ducasse et Benbow allaient se trouver en présence. Les circonstances de leur rencontre caractérisent si bien le temps et les hommes, elles nous transportent dans un ordre de sentimens telle-