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renforts d’hommes et d’argent, les Français se trouvèrent dans la situation précaire où ils avaient mis leurs adversaires alors que La Bourdonnaye dominait sur mer. Bientôt après, Boscawen mit le siège devant Pondichéry ; il avait une armée nombreuse et bien approvisionnée ; par compensation, il était assez ignorant, dit-on, en opérations militaires. De son côté, le gouverneur français perdit dans une sortie le capitaine Paradis, le seul officier en qui il eût confiance ; mais Dupleix avait, en dépit de son éducation civile, le tempérament militaire. Il dirigea si bien les travaux de défense que l’amiral anglais fut réduit à lever le siège au bout de sept semaines. Ce fut la dernière opération de cette longue guerre qui se poursuivait depuis cinq ans avec des résultats bien divers. La paix était faite en Europe. La France et l’Angleterre convinrent par le traité d’Aix-la-Chapelle de se restituer réciproquement les conquêtes qu’elles avaient faites. Madras fut donc rendu aux Anglais ; mais les aventuriers des deux nations avaient trop de motifs de rivalité pour se calmer ainsi sur un signe venu de Paris et de Londres. Nous les verrons maintenant continuer les hostilités sous une forme indirecte en même temps qu’ils convieront à leurs luttes les souverains de tout l’Hindoustan.


III.

Lorsque la paix survint, les deux compagnies anglaise et française possédaient chacune un assez grand nombre de soldats en Asie ; elles en avaient en réalité beaucoup trop pour la défense de leurs intérêts et pour l’équilibre de leurs budgets. Aussi elles trouvèrent tout naturel de prêter leurs troupes aux princes qui voulaient bien consentir à en payer l’entretien. Les indigènes avaient eu maintes occasions d’éprouver la valeur des Européens ; ils étaient disposés à faire intervenir ces ambitieux alliés dans leurs querelles intestines. Or ces querelles étaient fréquentes, car, l’autorité lointaine du Grand-Mogol ayant perdu beaucoup de son efficacité et par conséquent de son prestige, les petits vassaux du Deccan et du Carnatic se débattaient en de perpétuels conflits. Il arriva naturellement que les Anglais et les Français, au lieu de s’entendre afin de rendre le calme au pays, prirent toujours parti pour des prétendans opposés. Le fameux Nizam Oul-Moulk, vice-roi du Deccan, était mort au mois de juin 1748, laissant une nombreuse famille ; mais deux de ses enfans étaient seuls en état d’aspirer au trône qu’il laissait vacant : c’était Mozuffer-Jung, son petit-fils, qu’il avait désigné lui-même comme son héritier, et Nadir-Jung, l’un de ses fils, homme violent et débauché qui avait tenté plus d’une fois de s’emparer du pouvoir du vivant même du vieux Nizam. Nadir-Jung était seul présent à la