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à l’autorité française lorsqu’un appui extérieur leur devenait nécessaire. Dumas allait avoir une occasion sérieuse de montrer aux natifs ce que valait la protection du drapeau français. Les Mogols avaient beaucoup étendu leurs conquêtes vers le sud sous le règne d’Aureng-Zeb ; toutefois ils avaient laissé subsister à Trichinopoly, à Tanjore, à Madura, à Mysore, divers petits royaumes indigènes gouvernés par des princes hindous qui payaient tribut à l’empereur. Les tributs étant en retard, Dost-Ali-Khan, vice-roi ou nabab du Carnatic, voulut en réclamer le paiement par la force. Une nombreuse armée sous le commandement de Sabder-Ali, fils du nabab, et de Chunder-Sahib, son gendre, emporta d’assaut Trichinopoly, qui devint la capitale d’une principauté au profit de Chunder-Sahib ; puis l’état de Tanjore succombait à son tour. Les autres princes hindous, que les progrès des mahométans effrayaient, firent appel au maharajah des Mahrattes en lui représentant qu’ils allaient être tous écrasés, s’ils n’étaient promptement secourus. Ce monarque était capable de mettre sur pied une force considérable. On l’avait déjà vu envahir les états du Grand-Mogol avec 150,000 cavaliers et autant de fantassins. Au reste, ses sujets aimaient la guerre à cause du butin qu’ils avaient coutume d’en rapporter. Les plaintes des petits souverains hindous furent écoutées avec complaisance. Ragodji-Bousla, fils du maharajah, se mit donc en route pour le Carnatic avec une troupe de 50,000 de ces fameux guerriers dont le nom faisait trembler tous les peuples de la péninsule. Dost-Ali rassembla tout ce qu’il avait de troupes, et, se portant au-devant de cette invasion, il essaya de lui fermer les passes des montagnes qui bordent le Carnatic à l’ouest. Peut-être y eût-il réussi ; mais, en sa qualité de mahométan, il avait contre lui une partie de ses propres sujets qui faisait cause commune avec les Mahrattes. Un de ses généraux ouvrit par trahison un défilé à l’armée ennemie ; une grande bataille s’ensuivit, Dost-Ali fut tué dans la mêlée, ainsi que l’un de ses fils, et ses troupes furent taillées en pièces. En un jour, Ragodji se trouva maître du Carnatic, sauf les places fortes où les débris de l’armée vaincue s’étaient réfugiés (mai 1740).

Les Français avaient sur les autres nations européennes établies à la côte de Coromandel l’avantage d’avoir acquis le territoire qu’ils possédaient par une concession gracieuse et volontaire du prince à qui ce territoire appartenait jadis, tandis que les Portugais, les Hollandais et les Anglais s’étaient emparés de leurs comptoirs par la ruse et la violence ; en outre les indigènes avaient pu apprécier depuis quelques années l’énergie et la sagesse du gouverneur de Pondichéry. Aussi, à la suite de cette grande déroute de l’armée de Dost-Ali, les natifs accoururent-ils en foule vers la ville