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reux indigènes. Les Hollandais surent à leur tour se frayer un chemin vers l’Inde. Le peuple hindou les accueillit en libérateurs ; toutefois ces nouveau-venus ne se montrèrent pas moins âpres au gain que leurs devanciers. Après avoir chassé les Portugais, auxquels il ne resta bientôt que Goa, ils se firent donner toute sorte de privilèges dans les places dont ils s’étaient emparés, et ils affichèrent la prétention d’exclure des rivages de l’Asie les autres nations européennes. Ces procédés égoïstes leur réussirent quelque temps.

En France, on n’était pas indifférent aux merveilleux récits qui avaient cours sur ces pays lointains. Dès les premiers temps de son arrivée au pouvoir, Colbert comprit quels avantages l’Angleterre, la Hollande et le Portugal, seules puissances alors établies dans l’Inde, retiraient de leurs échanges avec cette contrée. Il résolut de faire naître un commerce régulier entre la France et l’Orient, et ne vit pas de meilleur moyen d’y parvenir que de créer, suivant l’usage du temps, une grande compagnie à privilège exclusif. La compagnie française des Indes orientales se constitua en 1664 au capital de 15 millions de livres tournois avec une concession de cinquante années. L’état lui faisait la part belle : il accordait une avance de 3 millions, et prenait à sa charge toutes les pertes que la compagnie subirait pendant les dix premières années de son exercice. Afin que toutes les classes de la société pussent s’y intéresser, Louis XIV déclara par un édit assez naïf que la noblesse ne dérogeait pas en prenant part au commerce avec les Indes. Une première expédition qui se composait de 4 gros navires armés en guerre, avec 520 hommes d’équipage, partit de Brest le 7 mars 1665, et atteignit Madagascar le 10 juillet suivant. Les directeurs de la compagnie voulaient installer d’abord un établissement dans cette île, première étape entre l’Europe et l’Inde. Cette colonie ne prospéra point. Les indigènes étaient hostiles, le terrain médiocrement fertile. Après quelques années de misères et de luttes contre les natifs, les colons survivans se retirèrent dans les îles de France et de Bourbon, qui étaient restées désertes jusqu’alors, bien qu’elles fussent découvertes depuis fort longtemps.

Toutefois l’expédition de Madagascar n’avait pas épuisé les ressources de la compagnie française. Colbert avait alors sous la main François Caron, qui, né en Hollande de parens français, avait été embarqué pour le Japon dès l’âge le plus tendre, s’était fait remarquer par son intelligence, son application au travail, et, les circonstances aidant, était devenu l’un des gros personnages de la compagnie hollandaise des Indes orientales. S’étant brouillé avec les directeurs de cette compagnie, qui le trouvèrent à la longue