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qui n’ont pas de relations de parenté trop étroites est avantageux et même nécessaire, tandis que la reproduction consanguine, prolongée pendant un trop grand nombre de générations, peut avoir les effets les plus nuisibles. Il cherche à établir que tous les êtres organisés se croisent occasionnellement. Ainsi beaucoup de plantes, quoique hermaphrodites par la conformation, sont unisexuelles par les fonctions, le pollen d’une fleur n’étant pas apte à féconder son propre stigmate et ne pouvant agir que sur une fleur étrangère. Par les unions consanguines, on peut exagérer certaines particularités des premiers parens, mais on amoindrit peu à peu la vigueur et la fécondité des produits. Au contraire le libre croisement conserve la vitalité des races en même temps qu’il tend à les niveler, à effacer les différences, à imprimer à l’ensemble des individus une certaine uniformité d’aspect. C’est ici que la sélection intervient pour fixer les caractères individuels et pour en faire des caractères de race. Elle est méthodique lorsque les éleveurs cherchent à modifier les produits dans un sens déterminé d’avance ; elle est inconsciente lorsqu’ils se bornent à sacrifier les individus inférieurs pour ne conserver que les plus vigoureux ou les mieux conformés ; ce procédé seul peut déjà déterminer à la longue des changemens importans. Nous avons enfin la sélection naturelle, qui consiste dans l’influence exercée par les individus les mieux adaptés aux conditions d’existence données ; ce sont eux qui survivent, qui se reproduisent avec le plus de facilité. La sélection ne repose pas d’ailleurs uniquement sur les croisemens, elle profite de mille circonstances qui au premier abord pourraient sembler insignifiantes, et parmi lesquelles il faut citer la variabilité que déterminent un changement dans les conditions extérieures de la vie, un excès de nourriture, une modification de climat. La sélection peut devenir difficile ou même impossible, si le milieu n’est point en harmonie avec les qualités que l’eleveur désire obtenir. Pour que la sélection méthodique réussisse, il faut une attention soutenue, une grande sagacité, souvent une patience à toute épreuve ; il faut enfin le coup d’œil, qui est un talent naturel et que rien ne remplace.

Parmi les lois de la variation des êtres, la plus curieuse est peut-être celle de la variabilité corrélative des organes. On a pu constater assez fréquemment une connexion étroite entre les modifications qui atteignent deux parties en apparence sans liaison d’un organisme vivant ; l’une ne peut varier sans que l’autre ne présente un changement correspondant. C’est ainsi qu’il y a une corrélation manifeste entre le poil et les dents : on a signalé chez l’homme plusieurs cas de calvitie héréditaire qui était accompagnée d’un défaut des dents, d’un autre côté quelques individus qui étaient nés velus offraient une denture incomplète ou anormale. Certaines formes de cécité semblent être associées à une couleur particulière des cheveux. Les chats blancs sont presque