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vient d’un côté et frappe avec plus ou moins d’éclat suivant que l’objet a plus ou moins de saillie et de relief, suivant que les faces en sont plus rugueuses ou mieux polies ? Ne pourrait-il pas faire remarquer comment au soleil cet écolier debout, ce bâton planté en terre, ne fournissent presque pas d’ombre à midi, pourquoi l’ombre s’allonge démesurément en des sens opposés le matin et le soir, comment enfin les lignes droites se comportent en perspective, comment un couteau, une pyramide, un verre, changent d’aspect suivant qu’on les considère sous telle ou telle face ? Le maître abrégerait le chemin de l’étude, l’imagination de l’élève s’accommoderait de ces réflexions, dont la source est inépuisable, que le professeur pourrait varier en raison des exigences de la situation, de sa propre expérience, du degré de sagacité de ceux à qui il s’adresse. Il enseignerait alors non point à copier machinalement des lignes sur une feuille de papier, mais à se rendre compte de la façon dont les objets naturels peuvent être reproduits. De la sorte on éviterait ces misérables travaux dans lesquels on a compté un à un les traits d’ombre, les cheveux, les poils de la barbe, pour ne pas manquer de juxtaposer sur le papier la même quantité de lignes de pareille dimension. On ne verrait pas toutes ces œuvres d’une facture douteuse, plus raffinée que solide, par lesquelles tant d’écoles essaient naïvement de mériter les suffrages. On ne serait pas dispensé, il est vrai, pour cela d’avoir de bons modèles, mais en attendant on tirerait parti des plus mauvais. Pour les écoles de campagne les plus dénuées, il n’est point impossible d’ailleurs de s’en assurer à peu de frais de fort satisfaisans. Il ne s’agit que de mouler quelques végétaux du pays. C’est affaire d’industrie de la part du maître et des élèves. Il suffit d’un morceau de mousseline et d’un peu de plâtre fin pour obtenir le moulage d’une feuille de mauve ou d’une feuille de chardon, et on se procure ainsi un des meilleurs modèles que l’on puisse rencontrer.

La ville de Paris a distribué par milliers les modèles dans ses écoles, la plupart des communes se contentent d’en choisir au hasard quelques-uns parmi ceux qui, faute de meilleurs, sont en possession d’une certaine vogue en général peu justifiée. On a bien annoncé que des recueils nouveaux et mieux compris sont en voie d’exécution ; mais ils ne se répandront qu’autant qu’ils seront vendus à un très bas prix. De plus, certaines parties de l’enseignement d’art sont encore aujourd’hui tellement négligées qu’il n’existe même pas, nous empruntons cette affirmation à un document officiel, de recueil qui puisse servir de guide à l’étude, « Nous n’avons pas d’atelier, dit un rapport, pas même un livre propre à créer des ornemanistes. » Pourtant il a été fait en ce genre un essai