Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/952

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus qu’il y a vingt ans, mais les résultats des applications scientifiques sont tels qu’on peut suffire à cette augmentation de la consommation et vendre encore à meilleur marché. La production n’est jamais en arrière de la demande, elle la devance même, ce qui, dans certains cas, amène des crises et des avilissemens de prix comme ceux dont se plaignent en ce moment les fabricans de fer. Quant aux denrées coloniales, les prix n’ont pas augmenté sensiblement parce que, grâce à l’étendue des marchés qui peuvent nous les fournir et aux moyens de transport devenus plus économiques et plus nombreux, ils nous arrivent en aussi grande quantité que nous le désirons. Les choses sur lesquelles les prix se sont beaucoup élevés sont celles, je le répète, dont la quantité n’a pu s’accroître au gré des consommateurs. On produit certainement aujourd’hui plus de viande qu’il y a vingt ans, en outre nos frontières sont ouvertes à l’importation des bestiaux étrangers; mais la consommation s’est tellement accrue par suite du développement de la richesse que la demande reste constamment supérieure à l’offre. Contrairement à ce qui existe pour le blé, c’est là une denrée qu’on consomme plus ou moins suivant le degré d’aisance qu’on possède, et il n’est pas nécessaire d’entrer dans les détails pour démontrer qu’on en fait aujourd’hui un usage infiniment plus considérable qu’avant 1848. Il en est de même pour les légumes, pour le vin, et même aussi pour les matières premières de l’industrie. Le progrès dans les manufactures fait rechercher davantage les matières premières, et le prix s’est élevé parce qu’on n’a pas pour les multiplier la même puissance que pour les mettre en œuvre. C’est le triomphe du génie de l’homme d’être arrivé par ses procédés économiques à réaliser ce phénomène en apparence contradictoire de la cherté des matières premières et de rabaissement des produits manufacturés. C’est aussi la même cause qui a élevé le prix de la main-d’œuvre : le travail ayant été plus actif, la demande s’en est accrue, et naturellement on a dû le payer plus cher; mais la cherté de tous ces objets n’a rien à démêler avec la dépréciation des métaux précieux. Autrement elle aurait existé aussi bien pour les produits qui sont restés au niveau de la consommation, car en définitive, si l’équilibre s’est maintenu de ce côté, il aurait été rompu en ce qui concerne la monnaie du moment que celle-ci devenait de plus en plus abondante, et il en aurait fallu davantage pour les acheter selon la loi naturelle de l’offre et de la demande. C’est ce qui est arrivé après la découverte de l’Amérique. Aussitôt que la dépréciation a eu lieu, elle s’est fait sentir sur le blé comme sur toutes les autres marchandises, et c’est même le blé qui a servi de spécimen pour la mesurer.

Du reste, au moment où les auteurs dont nous parlons faisaient