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I.

Nous étonnerons peut-être beaucoup de personnes en disant que la question de la monnaie est encore un point obscur de l’économie politique. Cependant l’usage en est connu depuis bien longtemps, il faudrait remonter jusqu’à l’enfance des sociétés, jusqu’aux époques barbares, pour trouver l’échange se faisant autrement qu’avec un signe métallique. Les Grecs, les Romains, et avant eux les Assyriens l’employaient : il était en bronze, en argent ou en or suivant les ressources du pays et l’état des civilisations; mais il existait partout, et c’était même sous cette forme que la richesse était particulièrement recherchée. Il y a donc longtemps que les hommes ont été appelés à méditer sur le rôle de la monnaie métallique et sur l’influence qu’elle peut exercer dans les relations économiques des peuples; mais, comme rien n’est simple dans les phénomènes économiques, qu’ils se compliquent de mille choses qui les font varier suivant les temps et suivant les circonstances, il se peut qu’en les étudiant à une certaine époque on arrive à des conclusions différentes de celles qu’on aurait admises, si on les eût étudiées à une autre. Ce qui est certain, et nous croyons pouvoir le démontrer, c’est qu’il y a de grandes erreurs répandues au sujet du rôle de la monnaie métallique, et, je le répète, c’est peut-être un des points de l’économie politique sur lesquels la science est le moins faite. En parlant ainsi, nous ne faisons pas allusion à l’opinion de ceux qui s’imaginent que la monnaie métallique est une charge inutile que les sociétés s’imposent, qu’on gagnerait à s’en débarrasser, et qu’il serait facile d’opérer toutes les transactions avec un autre instrument d’échange, avec un signe conventionnel qui n’aurait pas de valeur intrinsèque, comme le papier par exemple. Nous avons vu plusieurs fois ce système en vigueur, nous le voyons encore malheureusement tous les jours, nous savons ce qu’il produit, et il n’est pas un esprit réfléchi qui puisse s’y arrêter; mais il y a une autre école beaucoup plus sérieuse qui, après avoir combattu avec succès l’exagération du système mercantile, ne trouvant de richesse que dans la monnaie métallique, et cherchant à l’accaparer le plus possible, a elle-même commis une autre exagération en refusant de donner à cette monnaie l’importance toute particulière qu’elle doit avoir. De là des appréciations erronées à propos de tous les faits qui se sont accomplis. D’abord, selon cette école, en temps de crise, lorsque la monnaie métallique devient rare et s’en va au dehors, il n’y a pas à s’en préoccuper. Les produits s’échangent contre les produits, et il importe assez peu que nous expor-