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JEAN-JACQUES AMPÈRE

I.

Une étude sur J.-J. Ampère, ce littérateur polygraphe et complexe, cet esprit trois fois distingué, dont la valeur individuelle est si intimement liée aux maîtres, aux amis, à toute la génération qu’il représente, et à l’ensemble du mouvement intellectuel de son époque, une telle étude exige un premier coup d’œil et un aperçu qui embrasse rapidement le progrès antérieur et l’état de la littérature comparée en France au moment où il y intervint, car Ampère, à son moment, a peut-être été le critique et l’historien le plus curieux, le plus à l’affût et le mieux informé des littératures étrangères, le plus attentif à les interroger et à nous les présenter dans leurs vivans rapports avec la nôtre. Il s’est intitulé en quelques-uns de ses livres le critique en voyage : littéralement ou au moral, il l’a été de tout temps.

La branche d’étude qui est comprise sous le titre de littérature comparée ne date en France que du commencement de ce siècle. On ne saurait, en effet, ranger sous ce nom les modes successives et les invasions de littératures étrangères, italienne ou espagnole, qui signalèrent la seconde moitié du XVIe siècle et la première du XVIIe. On lisait les auteurs d’au-delà des monts, on les imitait, on les copiait avec plus ou moins de discernement, on les citait parfois avec à-propos ; mais il ne se faisait point à leur sujet d’examen ni de comparaison critique. On ne saurait contester cependant que des littérateurs, instruits et consommés, tels que Chapelain, Ménage et l’abbé Régnier des Marets, ne fussent sur la voie d’une juste comparaison à établir entre la littérature française et les littératures du midi. Dès la fin du XVIIe siècle et au commencement