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nergie de cet abominable repaire, elle réclame de nouveau leur appui.

Les volumes suivans racontent sa lente réhabilitation, retardée par son propre découragement. Insensiblement, le mystère qui recouvrait sa naissance s’éclaircit. Elle trouve un asile chez une bonne dame qui l’avait connue enfant, et qui n’était autre que sa mère. Apparentée aux meilleurs noms d’Amsterdam, mais élevée en Angleterre et victime de son ignorance des lois matrimoniales du continent, elle s’était vue repoussée par la famille de son mari, qui l’avait laissée veuve, et elle avait donné le jour dix-huit ans auparavant à une petite fille qu’elle croyait morte peu après sa naissance. En effet, la femme de Leyde chez qui s’était opérée sa délivrance, à l’issue d’une maladie qui l’avait privée plusieurs jours de sa connaissance, lui avait annoncé cette mort. En réalité, cette femme, — plus tard la directrice de l’établissement infâme où Nicolette avait été envoyée par Mme van Zirik, — l’avait fait porter le soir de la Saint-Nicolas, en guise de surprise, chez le vieux Flinck, riche nabab, reparti le jour même pour les Indes, le beau-père de l’accouchée et dont elle avait à se plaindre. L’enfant chargé de la commission, ne sachant ce qu’il portait, se trompa de porte, et cet étrange cadeau de Saint-Nicolas arriva chez Bol au lieu de tomber chez Flinck. C’est seulement peu à peu que le jour se fait sur cette mystérieuse histoire. Longtemps la mère et la fille vivent ensemble sans se connaître. Nicolette doit même quitter ce doux asile parce que la médisance s’attaque à son séjour sous ce toit hospitalier en compagnie d’un jeune homme, fils de sa protectrice, en réalité son frère, et qu’on avait fait passer pour son amant. C’est chez les époux Pury, grands marchands de nouveautés à Amsterdam, que Nicolette retrouve son grand-père Flinck, qui s’enthousiasme pour elle longtemps avant de savoir qui elle est, son ancien amoureux Maurice d’Eylar, demeuré fidèle, et enfin l’estime de ses pères adoptifs, qu’une longue série de circonstances achève d’éclairer sur l’odieuse histoire qui s’est passée à La Haye. Toutefois, si elle est justifiée dans l’esprit de tous ceux qui connaissent les choses de près, elle ne l’est pas, elle ne peut pas l’être devant l’opinion. Les apparences plaident trop fortement contre elle, son mariage avec Maurice est moralement impossible : elle-même le sent et le dit avec une douleur navrante. Sa santé, minée par les terribles épreuves qu’elle a dû subir, ne résiste pas à une dernière expérience qu’elle fait de la manière dont on la juge en dehors du cercle restreint de ses amis, et elle meurt lentement, entourée de ses pères adoptifs, de sa famille retrouvée et de son jeune amant, qui reçoit son premier baiser dans son dernier soupir.