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tion des Normands, un autre fondé sur les traditions qui parlent de l’établissement d’une colonie de Huns dans l’Over-Yssel, un autre encore développant la légende des origines de l’illustre maison des Bréderode. Nous sommes déjà au temps des comtes de Hollande, ces puissans vassaux de l’empire, de leurs luttes continuelles avec les évêques d’Utrecht et leurs turbulens voisins les Frisons, nous franchissons l’époque des croisades, et nous arrivons aux confins de la période où l’histoire de la Néerlande se mêle à l’histoire générale, d’abord par une connexion étroite avec l’histoire de la maison de Bourgogne, puis par l’introduction de la réforme et la lutte gigantesque avec l’Espagne.

Tous ces récits ne sont pas, tant s’en faut, de la même valeur. On voit clairement que l’auteur est dominé par son admiration pour Walter Scott et les romanciers anglais. Il a, comme l’illustre Écossais, une certaine tendance à la description du détail inutile, qui émousse les impressions que la marche dramatique de la composition ferait naître aisément. Il y a même, surtout dans les derniers récits de cette longue revue historique, des parties où l’auteur est décidément resté au-dessous de lui-même. En revanche, le romancier vigoureux, plein d’imagination et de nerf, n’ayant d’autre tort à se reprocher que celui du genre lui-même qu’il avait choisi, se révèle dans deux romans historiques qui ont assis sa réputation en Hollande sur une base inébranlable, la Rose de Décama et le Fils adoptif, le premier nous reportant au temps de Guillaume IV, comte de Hollande, le second au temps des guerres contre l’Espagne et des conjurations semi-politiques, semi-catholiques du parti vaincu. Des scènes charmantes de fraîcheur et d’entrain, des caractères d’un dessin ferme, une judicieuse fusion des données de l’histoire et des fictions du roman, beaucoup de verve et d’esprit dans les dialogues, justifient la popularité acquise à ces deux ouvrages. La Rose de Décama est une ravissante jeune Frisonne digne de sa race par son courage et sa fierté native, digne de son surnom par sa grâce virginale, et cette suave figure fait un ravissant contraste avec les scènes terribles auxquelles sa destinée la mêle. Dans le Fils adoptif, le pasteur calviniste du type primitif, le vieil écuyer Bouke, mélange on ne peut plus amusant de Caleb pour la fidélité et de Sancho pour les proverbes, copié, paraît-il, d’après nature sur un ancien serviteur des van Lennep, les deux prêtres, l’un représentant le catholicisme ardent, fanatique, implacable, l’autre, non moins attaché à son église, mais se rapprochant plutôt du mysticisme placide et doucement résigné qui vient d’A-Kempis et fera plus tard le jansénisme des Pays-Bas, les figures historiques de Maurice d’Orange et de son frère Frédéric, bien d’autres personnages encore, donnent à tout ce récit une couleur, une vie, qui font