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riens, sympathisait chaudement avec elle. Cornelis van Lennep se vit donc amené à prendre de nouveau part aux événemens politiques, dont il fût volontiers resté simple spectateur. Bon citoyen, libéral pour le temps, et bien que l’excellent naturel du peuple hollandais, joint, il faut aussi le dire, à la petitesse relative de ses griefs, eût préservé la révolution dans les Pays-Bas des excès sanglans qui la souillèrent ailleurs, il s’était senti refroidi, comme bien d’autres libéraux de cette époque, par les effroyables démentis que la république française avait infligés à son premier programme. D’ailleurs son patriotisme commençait à s’alarmer des appétits grandissans de la France, qui, dans son désir passionné d’apporter la liberté aux autres peuples, finissait régulièrement par se les asservir. Aussi dès 1803 se renferma-t-il scrupuleusement dans les devoirs de sa charge municipale. En 1808, le roi Louis de Hollande le nomma membre de la municipalité réorganisée d’Amsterdam. En 1811, après l’incorporation de la Hollande à l’empire et malgré ses répugnances profondes à servir le souverain qu’il regardait comme l’oppresseur de son pays, il fut nommé par décret membre du conseil d’arrondissement et forcé d’accepter. Il ne faisait pas bon refuser les honneurs imposés par le maître, et, comme d’autres Hollandais désignés par cette espèce de conscription, C. van Lennep dut ronger son frein en silence. Bientôt les violences du nouveau régime, le blocus continental, plus insupportable en Hollande que partout ailleurs, les mesures fiscales, le tiercement des rentes de l’état, les levées d’hommes continuelles, l’odieuse comédie de l’appel des gardes d’honneur, la suppression des vieilles libertés séculaires, — sans parler de la régie, particulièrement odieuse à un peuple de libres fumeurs, — amassèrent au cœur des populations une haine qui n’attendait pour éclater que le premier échec des aigles impériales. On sait ce qui arriva en 1813, au lendemain de la bataille de Leipzig. Presque sans concert antérieur, le peuple hollandais se souleva comme un seul homme et facilita singulièrement la marche des armées alliées, qui purent de ce côté arriver sans coup férir sur nos frontières. En même temps, d’un bout à l’autre du pays, se réveillait le vieil attachement à la maison d’Orange. L’empire lui avait refait une immense popularité.

Cornelis van Lennep mourut à la veille de cette restauration qui eût comblé ses vœux, puisqu’elle devait sceller l’entière réconciliation des anciens patriotes républicains et de la famille des stathouders par l’établissement d’une monarchie constitutionnelle et libérale. Son fils, D. J. van Lennep, né en 1774, était alors un homme dans la force de l’âge et fort estimé. Professeur de belles-lettres à l’Athénée d’Amsterdam, où il avait l’honneur de succéder