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si patiemment appris. Quant à l’armée proprement dite, mainte cause en affaiblissait la puissance et en paralysait l’action. L’écart considérable entre le pied de paix et le pied de guerre en rendait la réunion difficile; c’était en chiffres ronds 186,000 hommes qu’il fallait rappeler sous les drapeaux, armer et faire entrer dans les cadres: ces hommes étaient tous loin de leurs régimens et de leurs dépôts, car par mesure de prudence on tenait toujours les soldats en activité éloignés de leur pays natal. De là beaucoup de lenteur à atteindre l’effectif de guerre, de là aussi une grande disproportion dans l’aptitude des hommes. La difficulté de faire marcher d’accord ces élémens hétérogènes était plus grande encore[1]. Les officiers ne se comprenaient pas toujours, les sous-officiers et les soldats ne pouvaient s’entendre. Il avait fallu par politique diviser les nationalités et appeler au nord les contingens italiens, qui de plus furent disloqués et répartis dans des corps de langue différente. Les troupes mêmes des provinces orientales ne marchaient qu’avec une sorte de répugnance que l’on ne pouvait combattre suffisamment. On avait dû en outre envoyer en Italie 164,000 hommes de troupes excellentes, les plus sûres et les mieux exercées. Le gouvernement enfin, absorbé par des embarras de toute sorte, croyant au succès, mais hésitant à entreprendre la guerre, avait négocié jusqu’à la dernière heure, et n’avait rien fait pour activer ses préparatifs. Quant aux contingens des états secondaires, médiocrement armés d’ailleurs, des causes nombreuses en retardaient la concentration; les gouvernemens n’étaient nullement prêts à la guerre et ne la désiraient pas, de sorte qu’ils ne commencèrent à s’y préparer que lorsqu’elle fut inévitable. Les Saxons seuls se trouvèrent en mesure de se défendre. Il résulte de là que, si l’armée prussienne était préparée d’avance et s’il suffisait d’un ordre pour la concentrer, il en était tout autrement en Autriche. En opérant des gouvernemens de troupes alors qu’en Prusse rien n’avait encore bougé, on ne faisait donc qu’obéir à un sentiment de légitime prudence, et on ne cherchait qu’à rétablir l’équilibre des forces. On le fit malheureusement avec trop de mollesse. Quelques dates et quelques chiffres compléteront cette esquisse; c’est là que se trouve en grande partie l’explication de la campagne.

Dès le mois de mars, l’Autriche commença de se préoccuper de la guerre. On acheta des chevaux, on rapprocha de leurs dépôts les corps de troupes des provinces du nord. Ce furent ces mouvemens, tout de précaution et de défense, qui servirent de prétexte aux ré-

  1. Il y avait à l’armée du nord 23 régimens allemands, 13 hongrois, 13 polonais, 7 italiens.