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moyens qu’employa M. de Bismarck pour faire tourner l’une et l’autre aux fins qu’il désirait.

La circulaire prussienne du 24 mars avait mis les états secondaires en demeure de se prononcer sur le différend austro-prussien et subsidiairement sur l’opportunité d’un remaniement de la constitution fédérale. Les réponses furent à peu de chose près les mêmes. « L’article 11 du pacte a prévu le cas d’un conflit armé entre deux puissances confédérées : la diète doit en être saisie ; la puissance qui prendrait l’initiative d’une agression se placerait par cela même en dehors du droit fédéral, et la diète seule pourrait décider les mesures à prendre à son égard. » Quant à la réforme tentée dans de pareilles conjonctures, M. de Beust, le chef du cabinet de Dresde, s’y montrait peut-être mieux disposé que M. de Pfordten, le président du ministère bavarois; mais ni l’un ni l’autre n’approuvaient les critiques radicales infligées à la constitution actuelle, et tout le monde s’accordait à dire qu’avant de se prononcer on avait besoin de connaître d’une manière plus précise les modifications que la Prusse regardait comme nécessaires. — A Francfort, le comité des 36 se déclara nettement pour une transformation complète du pacte fédéral ; mais il appela le peuple à se prononcer partout contre la guerre et à protester contre les dangers d’une « politique funeste de cabinet » (6 avril). Il suspectait les intentions de la Prusse, opinion généralement partagée d’ailleurs et exprimée partout dans les meetings et dans les feuilles libérales.

La double ouverture de la Prusse ainsi déclinée, M. de Bismarck fit un pas de plus. Le 9 avril, l’envoyé prussien présentait à la diète la motion suivante : « Il sera convoqué, pour un jour à déterminer ultérieurement, une assemblée issue des élections directes et du suffrage universel de toute la nation ; cette assemblée sera saisie des propositions des gouvernemens allemands touchant une réforme fédérale, et délibérera sur les propositions qui seront concertées entre les gouvernemens avant qu’elle ne se réunisse. » La motion était précédée de longs considérans où l’on faisait ressortir de nouveau l’urgence d’une réforme. « On a renvoyé le gouvernement prussien à l’article 11, disait cette note; mais, tandis que la diète délibérera, l’Autriche continuera ses arméniens, et la guerre aura peut-être éclaté. » La diète décida, malgré M. de Savigny, qu’il en serait référé aux gouvernemens respectifs, dont on demanderait l’avis avant d’examiner la motion présentée.

M. de Bismarck prenait ainsi une attitude nouvelle. Il en appelait à l’opinion, il faisait une avance directe à la démocratie. Ce revirement subit ne produisit point toutefois l’effet qu’on en pouvait attendre. On ne le crut point sincère; on n’y vit qu’une manœuvre