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le 24 mars M. de Bismarck lançait sa fameuse circulaire aux agens diplomatiques de la Prusse en Allemagne, prélude définitif de la grande crise qui se préparait, premier coup d’éclat de la politique prussienne. M. de Bismarck y exposait d’abord à son point de vue le différend des duchés, et récriminait longuement contre l’Autriche. Depuis la note du 7 février, disait-il, la Prusse n’a rien fait pour modifier l’état des choses; l’Autriche au contraire rassemble près de la frontière prussienne, encore complètement dépourvue de défense, des forces considérables. Cette attitude menaçante trahit des sentimens qui n’attendent qu’une occasion pour se traduire par des actes. Jusqu’ici nous n’avons pas commencé le moindre contre-armement, mais nous ne pouvons pas tarder plus longtemps à prendre les mesures nécessaires pour n’être point exposés, comme en 1850, à voir une armée autrichienne prête à franchir notre frontière sans que nous soyons en mesure de la défendre. L’assertion que ces armemens sont purement défensifs ne saurait nous tranquilliser, puisque nous n’avons rien fait qui puisse porter l’Autriche à songer à sa défense... Si donc, des mesures réellement défensives auxquelles nous serons contraints, il résulte un conflit plus grave, la Prusse n’en sera point responsable. Ne pouvant plus faire fonds sur l’alliance de l’Autriche, elle doit chercher les gages de sa sécurité dans l’Allemagne même, mais elle ne saurait les trouver que dans une Allemagne profondément réformée. La constitution non plus que l’organisation militaire de la confédération ne sont suffisantes pour garantir la sûreté nationale, encore moins pour seconder la politique active que de grandes crises peuvent exiger. Pour que l’Allemagne reprenne son rang, il faut qu’elle se donne une constitution nouvelle, conforme à la réalité des choses qui a identifié ses intérêts à ceux de la Prusse... Le gouvernement prussien est amené ainsi, concluait M. de Bismarck, à demander à ses confédérés s’il peut compter sur leur concours au cas d’une agression de l’Autriche ou de menaces qui rendraient la guerre inévitable ; mais ce concours même n’offre point de garanties suffisantes en vue des dangers futurs. La Prusse se voit donc dans la nécessité de soulever le projet d’une réforme, dont l’urgence à ses yeux sera d’autant plus grande que les réponses à sa demande de concours seront moins satisfaisantes...

Les questions étaient ainsi nettement posées et l’Allemagne mise en demeure de se prononcer. Cependant on continuait de presser l’Autriche. Le 28 et le 29 mars, des notes publiées à Berlin mentionnaient minutieusement les nouveaux mouvemens de troupes opérés en Bohême, ajoutant qu’en Prusse ni en Italie rien ne les motivait. Les journaux allaient plus loin encore; selon eux, Berlin