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lemment la convention de Gastein; on assura le contraire. L’Autriche était trop occupée d’ailleurs pour insister davantage. A ses embarras en Hongrie venaient de s’ajouter ceux où la jetait la chute du prince Couza. L’activité que Bucharest vit alors déployer à l’agent prussien montra que M. de Bismarck ne restait point neutre dans cette affaire, et qu’il ne voulait pas laisser échapper cette occasion de créer à l’Autriche de nouvelles difficultés. La chambre des députés était dissoute, il avait les mains libres, et pouvait se tourner tout entier vers la politique extérieure.

L’opinion commençait à s’inquiéter sérieusement de cette attitude nouvelle et de ce dissentiment plus marqué des deux cours. Des bruits alarmans circulaient; la polémique des journaux prussiens devenait constamment plus vive. La Gazette de la Croix elle-même, partisan naguère de l’alliance à tout prix, accusait maintenant l’Autriche de sourdes menées dirigées contre la Prusse et de complicité avec la commission des 36[1]. Sans y croire beaucoup, on parla dès lors d’un conflit possible. On se préoccupa dans les états secondaires des moyens de l’écarter; on rappela qu’un état confédéré ne pouvait ouvrir d’hostilités contre un autre sans avoir porté au préalable le différend devant la diète. Cela menait à évoquer l’affaire des duchés devant l’assemblée fédérale. La Gazette de l’Allemagne du Nord, feuille ministérielle de Berlin, semblait y engager elle-même en déclarant que la cause de l’inquiétude était non point dans le conflit même que l’on redoutait, mais dans la constitution, dont la dernière guerre avait révélé l’impuissance (10 mars). Cette tendance à reporter la question sur le terrain de la réforme fédérale, si elle pouvait rassurer pour le moment, n’était point faite cependant pour calmer les esprits. D’autres symptômes plus graves continuaient de les troubler. Dès le 28 février, un grand conseil avait été tenu à Berlin; tous les ministres, le chef d’état-major-général de Moltke, le chef du cabinet militaire du roi et le comte de Goltz, mandé en hâte de Paris, y avaient assisté. En outre on apprit vers le milieu de mars l’arrivée à Berlin du général Govone; il était chargé, disait-on, par le gouvernement italien d’une mission purement militaire; on crut partout qu’il venait préparer une alliance, et la suite prouva que ces conjectures étaient fondées. En même temps on commençait à faire grand bruit en Prusse des armemens de l’Autriche et de la Saxe. Les feuilles officieuses les rapportaient en détail, et y dénonçaient autant de provocations qui forceraient la Prusse à mobiliser elle-même son armée. Enfin

  1. Commission permanente des chambres allemandes, où le parlement prussien ne comptait qu’un très petit nombre de représentans.