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sortie même sur les navires neutres. Ils soutinrent qu’ils ne faisaient qu’user de justes représailles en adoptant et en étendant l’interprétation adoptée antérieurement contre eux.

L’attitude résolue prise par le Chili dès le début du conflit donnait lieu de présumer qu’il chercherait autant que possible à sortir du rôle passif de la défensive. Sa petite escadre avait pu échapper et se réfugier près des bas-fonds de l’archipel des Chiloë. L’amiral Pareja ne s’en était plus soucié. Le 26 novembre, un aviso espagnol qui descendait sans méfiance du Callao à Valparaiso rencontra la corvette chilienne Esmeralda lui barrant le chemin. Le combat s’engagea. Le navire espagnol, criblé de boulets, amena son pavillon. Les 7 officiers et les 114 marins qui se trouvaient à bord furent envoyés prisonniers à Santiago. L’amiral Pareja se tua de désespoir en apprenant cet échec.

En réalité, la capture du Covadunga n’avait rien d’humiliant pour les marins espagnols, qui s’étaient vus contraints de céder à la supériorité de l’artillerie ennemie. Le succès de la corvette chilienne, insignifiant dans toute autre circonstance, produisit pourtant des effets considérables. Il montrait qu’il était possible aux forces américaines, non pas seulement de résister, mais même d’attaquer hardiment et avec succès dans certaines conditions. Le Chili, auquel l’Amérique était redevable de ce triomphe, trouva dès ce moment des alliés. Ceux même qui au Pérou avaient ravi le pouvoir au président Pezet en prétextant la nécessité de venger l’honneur du pays humilié devant l’Espagne avaient semblé partager les hésitations du gouvernement déchu. Leur résolution s’affermit; l’amour-propre, le désir de ne pas rester inférieurs aux Chiliens, les entraînèrent à prendre part aux hostilités. A la fin de décembre 1865, le nouveau gouvernement installé à Lima refusa officiellement d’exécuter et de reconnaître le traité signé le 25 janvier précédent, il s’alliait avec le Chili et adressait à l’Espagne sa déclaration de guerre. Deux autres pays, l’Equateur et la Bolivie, qui semblaient entièrement désintéressés dans la question, n’en adhéraient pas moins à l’alliance offensive et défensive. Tous les ports de la côte sud-américaine du Pacifique se trouvèrent fermés à l’escadre espagnole. Cette fois la marine péruvienne, excitée par le succès des Chiliens, n’entendait plus rester sur la défensive. Sortie des ports du Pérou, elle vint tenir la mer avec l’escadrille chilienne. L’occasion de combattre ne tarda pas à lui être offerte. Une frégate et deux corvettes péruviennes auxquelles s’était joint l’aviso enlevé aux Espagnols et portant le pavillon chilien soutinrent un assez vif engagement contre deux grosses frégates espagnoles. Le résultat demeura au moins indécis, et les navires espagnols durent rejoindre