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Une fois les hostilités entamées, tous les pouvoirs s’accordèrent pour hâter, chacun selon ses attributions, l’organisation de la défense. Le congrès s’occupa des mesures financières ; il autorisa à l’unanimité l’émission d’un emprunt, l’établissement d’une contribution de guerre sur le revenu, une retenue de 10 pour 100 sur le traitement de tous les employés du gouvernement. Ces décrets, rendus en vue du salut public, s’exécutèrent sans soulever un murmure malgré les sacrifices qu’ils imposaient à chacun. De son côté, le pouvoir exécutif usa énergiquement des pouvoirs extraordinaires que le congrès lui avait conférés sans les lui marchander. Il mobilisa une partie des 40,000 gardes nationaux chiliens. Il embrigada les 18,000 matelots des côtes, habitués pour la plupart à la pêche de la baleine. Ceux-ci furent organisés en compagnies réparties le long du littoral et munies chacune d’une chaloupe de pèche convertie en navire de guerre et armée d’un canon. Au blocus établi par les Espagnols, le gouvernement chilien-répondit par une mesure qui devait également causer de graves préjudices au commerce de l’Espagne.

Le Chili avait adhéré de même que le Pérou au traité de Paris. Il n’en décréta pas moins l’armement de corsaires sous pavillon chilien, et délivra des lettres de marque. Était-ce, comme on le lui dit, méconnaître ses engagemens antérieurs ? Le cabinet de Santiago établit, et non sans raison, que l’adhésion du Chili au traité de Paris ne pouvait être invoquée que par les puissances qui avaient adhéré aux mêmes stipulations ; l’Espagne s’était réservé le droit d’armer en course. Le Chili, en consentant à se priver du même droit, eût augmenté encore la disproportion qui existait déjà entre les forces respectives des belligérans. La conduite de l’Espagne ne fut pas d’ailleurs sans donner prise aux réclamations du Chili. À l’origine, et sans tenir compte des stipulations internationales qui exigent, pour qu’un blocus soit reconnu, qu’il soit effectif, l’amiral Pareja eût voulu, avec les sept bâtimens dont il disposait, étendre le blocus sur toute la longueur des côtes chiliennes, près de 2,000 kilomètres. Le cabinet de Madrid ne maintint pas cette prétention, et limita plus tard les effets du blocus aux deux ports de Valparaiso et de Caldiera ; mais dès lors le but fut manqué. Les lignes de fer déjà exploitées sur le territoire chilien facilitaient le transport et l’embarquement des articles d’exportation dans les autres ports de la république. Il se produisit même un incident assez curieux. Le charbon de terre que le Chili produit en abondance fait l’objet d’un grand commerce. Les amiraux espagnols qui avaient reproché au Chili de le classer dans la contrebande de guerre l’y rangèrent à leur tour, et en interdirent la