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constater chez tous les peuples de couleur où séjournent des missionnaires chrétiens; mais ces derniers savent et ont raconté cent fois que leur action sur ces peuples est toute morale, et que les intelligences y sont presque fermées au dogme et à la théologie. D’autre part, c’est un fait aujourd’hui bien connu que le mélange de deux races inégales tend à faire disparaître la moins parfaite des deux : quand un blanc épouse une négresse, leur enfant est mulâtre; quand deux mulâtres de sang égal se marient entre eux, leur enfant est plus blanc qu’eux-mêmes. Ce fait est l’application d’une loi générale de la nature régissant la production des hybrides, loi en vertu de laquelle l’hybridité tend toujours à disparaître, de sorte que les formes mixtes reviennent aux types qui les avaient engendrées. Or la constitution physique des êtres vivans est parallèle à leur constitution psychologique : ainsi le mélange, même à parties égales, des races inférieures avec les hommes les plus parfaits a pour conséquence de les préparer à recevoir la doctrine dans une proportion de plus en plus grande et de les rendre enfin semblables à nous; mais par ce mélange elles disparaissent. Les mariages peuvent donc faire pour l’élévation intellectuelle et morale des races non aryennes plus que la prédication immédiate et solitaire, car ils sont la préparation de cette dernière et la vraie condition du succès. Si par la fusion des races les hommes imparfaits viennent jamais à acquérir les aptitudes qui leur manquent, la théorie fondamentale pourra dès lors être comprise et acceptée par le genre humain tout entier, et donner lieu à une église véritablement universelle. Nous sommes loin de ce terme aujourd’hui, et la lutte des religions entre elles ne semble pas faite pour nous en rapprocher.

De quelque manière qu’on envisage le problème de la naissance, du développement et de la transmission des religions, il se réduit toujours à une question de méthode plus ou moins bien comprise et appliquée. Cette méthode est parfaitement connue depuis qu’on a pu la voir à l’œuvre dans le plus ancien monument de notre race, les hymnes indiens, et en suivre jusqu’à nos jours les conséquences et les applications. Pour la résumer, disons qu’elle se compose de trois actes successifs de l’intelligence : l’observation des faits naturels, la généralisation de ceux-ci, c’est-à-dire la réduction à des unités idéales de plus en plus étendues et de moins en moins nombreuses, enfin cette induction rationnelle qui au-delà des phénomènes aperçoit l’être réel et permanent dont ils sont la manifestation. L’absence des deux derniers actes aboutit au fétichisme; une généralisation inachevée a pour conséquence la pluralité des dieux; quand les trois opérations de l’intelligence sont exécutées