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c’est « la lumière qui éclaire tout homme. » Seulement la portée de cette formule doit être restreinte, puisque la théorie primitive a été conçue par des hommes de race aryenne, n’a passé aux autres races qu’en s’amoindrissant, et n’a été atteinte par aucune de ces dernières, livrée à ses propres forces.

Cette révélation s’opère dans la pensée individuelle de chacun de nous : c’est ce que professent à plus de vingt reprises les auteurs du Véda. Non-seulement ils se déclarent eux-mêmes « auteurs des dieux, » auteurs du sacrifice, créateurs des symboles et des formules sacrées; mais en identifiant avec leur propre pensée l’être pensant, avec leur vie individuelle le principe commun de la vie, et avec le feu, considéré comme universel, tous les phénomènes de la chaleur et du mouvement, ils sentent et ils proclament que ce sont eux-mêmes qui découvrent ces vérités. Par le fait, les travaux de philologie et de critique appliquée aux textes indiens, grâce auxquels on a déjà pu établir entre les hymnes une succession chronologique, montrent que les plus anciens de ces hymnes ne contiennent que peu de chose de la théorie fondamentale, et permettent d’en suivre pour ainsi dire d’année en année l’éclosion. Or cette éclosion est celle de la religion même, puisque c’est cette théorie, plus ou moins modifiée par les milieux, qui constitue le fond de toutes les religions postérieures.

Les savans se trouvent donc, comme nous l’avons dit, en présence d’un phénomène psychologique. Ce phénomène est de l’ordre le plus élevé, puisqu’il est l’acte vrai, à la fois primordial et perpétuel, de la raison. Il faut seulement ajouter que ce phénomène de psychologie ne se réalise dans toute sa plénitude que chez l’Arya; il a manqué et il manque encore en partie chez les autres races. Parler de l’unité absolue de l’être, de la pensée, de la vie, à des nègres ou à des peaux-rouges, c’est prononcer devant eux des paroles inintelligibles. Les races non aryennes de l’Arabie, de l’Egypte et de toutes les parties extrêmes de l’Asie sont aussi constituées de telle manière que leur raison manque en partie de cette faculté d’analyse qui est le caractère propre de l’homme blanc, c’est-à-dire des seuls Aryas. Quand nous lisons chez nos philosophes la description des opérations de l’intelligence, nous devons faire avant tout cette réserve, qu’il ne s’agit dans leurs livres que de l’Arya et même de l’Arya parfait, pris à son âge adulte et à son point culminant de civilisation. En réalité, l’observation nous montre chez les hommes des diverses races autant de variétés dans les facultés intellectuelles et dans le développement de la raison qu’il y en a dans la conformation physique. C’est la faculté d’analyse qui varie de l’un à l’autre, et qui va plus ou moins loin dans l’ordre de la science,