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nourrit des feuilles du palma-christi ou ricin, et dont les cocons, cardés au lieu d’être filés, sont facilement transformés en une sorte de bourre de soie, et donnent des étoffes d’une solidité extraordinaire. Ces indications furent accueillies avec une certaine indifférence. Vingt-cinq ans plus tard, un voyageur français, M. Lamarre-Piquot, rapporta du Bengale des chrysalides de bombyx militta. Les entomologistes admirèrent les magnifiques papillons qui ne tardèrent point à éclore, mais l’industrie ne prit point à cœur l’élevage des nouvelles chenilles. Il en fut de même pour le bombyx cercopia des États-Unis, présenté en 1840 par Victor Audouin à l’Académie des Sciences, et qu’on avait réussi à élever au Muséum d’histoire naturelle. Les savans étudiaient la question, M. Blanchard la traitait, il y a déjà vingt ans, dans un mémoire très complet ; mais les applications pratiques ne se multipliaient pas malgré les efforts de quelques hommes d’initiative.

La Société zoologique d’acclimatation, à peine fondée, remit en lumière et poussa plus avant les recherches antérieures. Elle parvint à faire disparaître une des grandes difficultés qui s’opposaient à l’introduction en France de l’attacus arrindia ou chenille du ricin. Tandis que la plupart des attacus connus passent huit ou neuf mois à l’état de chrysalides, les générations de celui-ci se succèdent rapidement. Si l’on envoyait de l’Inde des cocons, les papillons en sortaient avant le terme du voyage ; si l’on envoyait des œufs, les jeunes chenilles écloses pendant la traversée mouraient faute de nourriture. On imagina de couper le voyage en deux. L’île de Malte fut choisie comme station intermédiaire. Sous les auspices du gouverneur, sir William Reid, on y fonda des magnaneries qui réussirent. De Malte, la chenille du palma-christi pénétra en Italie, puis en France. M. Milne Edwards au Muséum, M. Guérin-Menneville dans une magnanerie particulière à Paris, M. Hardy à la pépinière d’Alger, obtinrent de bons résultats : le bombyx était acclimaté ; mais on se trouvait fort embarrassé pour le nourrir, le ricin ne réussissant pas bien dans nos contrée. On n’avait pas à redouter le même inconvénient avec le ver à soie qui vit sur l’allante, apporté de Chine par le père Annibal Fantoni. M. Guérin-Menneville, ayant obtenu du savant italien des graines de ce bombyx, parvint à propager simultanément la culture de l’allante et le développement de l’insecte qui se nourrit des feuilles abondantes de ce bel arbre, et file en plein air ses gros cocons grisâtres. Il y a maintenant sur divers points de la France des éducations de ces bombyx. On les élève à la ferme impériale de Vincennes, et ils se sont même propagés de là spontanément sur les allantes des jardins de Paris. Il faut ajouter pourtant qu’aux environs des grandes villes le moineau franc