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les six pattes du papillon. Quant aux cinq paires de pattes qu’elle porte depuis le milieu jusqu’à l’arrière du corps, elles sont spécialement appropriées aux habitudes de la chenille, et ne laissent pas de trace dans l’organisation de l’insecte adulte, à qui elles seraient inutiles. Ce sont de simples prolongemens de la peau terminés par des cercles garnis de pointes ou d’épines microscopiques. L’insecte s’en sert comme de crampons pour s’accrocher aux feuilles et résister aux secousses que leur imprime le vent.

La structure de la bouche est remarquable. Elle contient un appareil de mastication et une filière, les principaux outils de fabrication de la matière textile. Pour triturer les alimens, elle est munie, comme celle de la plupart des insectes, de six pièces articulées. La lèvre supérieure offre une échancrure destinée à recevoir et à maintenir le bord du limbe de la feuille à mesure que celle-ci est rongée. Au-dessous, deux fortes mandibules découpent la feuille comme le ferait une paire de ciseaux. Des mâchoires moins grosses situées plus bas réduisent ces fragmens en lambeaux plus petits et en font une espèce de pâte qu’une petite tige mobile, articulée sur chaque mâchoire, refoule ensuite vers l’arrière-bouche et vers le canal alimentaire. Ce canal est très volumineux et en rapport avec la quantité de nourriture qu’absorbe la chenille, qui est très vorace. On comprend sans peine la cause de cet appétit. Pour fournir la matière azotée qui entre dans la sécrétion soyeuse, il faut qu’elle fasse une consommation relativement énorme de feuilles vertes. Les feuilles du mûrier en effet, plus riches pourtant sous ce rapport que celles de la plupart des autres arbres, ne contiennent pas au maximum et à l’état sec tout à fait 7 pour 100 d’azote. M. Péligot s’est livré à cet égard à d’intéressantes recherches. Il a établi le rapport qui existe entre l’azote renfermé dans les alimens du ver à soie et celui que contient la soie qu’il sécrète. Il a déterminé ainsi la matière azotée que l’animal consomme pour entretenir son propre organisme, par exemple celle qui lui est nécessaire pour former les quatre peaux dont il se dépouille successivement, ainsi que celle qui se perd par suite de la combustion respiratoire. La matière soyeuse, à mesure qu’elle est produite, vient se loger dans de grosses et longues glandes contournées qui sont placées à la partie latérale du corps. Chacune de ces glandes est terminée par un tube étroit formant filière. C’est surtout pendant les cinq ou six jours qui précèdent le terme de la croissance que l’on entend les chenilles ronger les feuilles avec avidité jour et nuit. Elles accumulent dans ces sortes de réservoirs une grande quantité de la substance visqueuse qui constituera bientôt la soie. Quand le moment de fabriquer le cocon est enfin venu pour l’insecte, la matière contenue dans les glandes