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aisé d’y porter remède. Une loi nouvelle sur les sociétés a été promulguée le 29 juillet 1867. Elle s’est proposé de donner des facilités spéciales aux associations coopératives; mais les ouvriers s’accordent à reconnaître qu’elle n’a atteint ce but que fort incomplètement. Les sociétés en commandite par actions et les sociétés anonymes ont en général un capital fixe. Cependant la loi de 1867 a stipulé, en vue des associations ouvrières, que de pareilles sociétés pourraient se fonder avec un capital variable. Cette disposition permet à toute époque l’entrée de nouveaux associés et la retraite des anciens. L’assemblée générale est d’ailleurs investie du droit de renvoyer un ou plusieurs des associés. Ces conditions sont favorables au système coopératif; mais les sociétés à capital variable ne peuvent émettre que des actions de 50 francs au moins, elles sont d’ailleurs soumises à l’ensemble des règles imposées aux grandes sociétés, et ces stipulations ne laissent pas d’être gênantes pour une gestion qui demande à se produire aussi simplement que possible. Il reste, il est vrai, une ressource aux ateliers coopératifs : c’est de renoncer au bénéfice de la loi et de constituer des sociétés de fait et non de droit; mais il leur devient alors bien difficile de faire acte de commerce, et tout crédit leur est à peu près enlevé. Les promoteurs du mouvement coopératif demandent donc au législateur de nouvelles dispositions plus exactement appropriées à leurs besoins que celles de la loi de 1867.

A défaut de coopération proprement dite, il est un système mixte qui est déjà pratiqué depuis plus de trente ans par certaines industries, mais qui ne nous paraît pas se propager aussi vite qu’il conviendrait : c’est celui qui consiste pour les patrons à associer leurs ouvriers aux bénéfices de leur exploitation et à leur distribuer à la fin de l’année une sorte de dividende qui vient s’ajouter aux salaires habituels. Un pareil système n’offre que des avantages. Il stimule si bien le zèle des travailleurs, il amène de telles économies (surtout dans les industries où les matières premières peuvent être facilement gaspillées), en un mot il augmente si bien la puissance productive de l’atelier, qu’on peut laisser les salaires à leur taux usuel, et que le patron, en distribuant aux ouvriers leur part de fin d’année, n’a pas à se plaindre de la sienne. A notre avis, la méthode de participation devrait être employée sur la plus vaste échelle dans toutes les industries. On conçoit d’ailleurs facilement les détails d’application d’un pareil système[1]. L’ouvrier est payé à la tâche suivant un tarif déterminé, ou bien il reçoit chaque quin-

  1. On peut prendre à cet égard pour modèle les règlemens fort souvent cités d’une entreprise gérée par M. Leclaire, peintre-vitrier à Paris, et qui fonctionne depuis de longues années.