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grande tendresse, ayant foi surtout dans les procédés qui relèvent de la liberté. Quant aux cours d’adultes, aux enseignemens professionnels, il est certain que le développement en a été l’objet d’un mouvement énergique dans ces deux ou trois dernières années. Les ouvriers peuvent beaucoup pour ne pas laisser cette belle ardeur s’éteindre et pour entretenir la croisade qu’on prêche de tous côtés contre l’ignorance.


V.

Nous arrivons maintenant à quelques vœux exprimés par les délégués, et qui impliquent plus particulièrement des réformes législatives. Ce sont d’abord deux petits vœux bien modestes, l’un sur l’article 1781 du code Napoléon, l’autre sur la loi du 26 juin 1854, relative aux livrets. Les délégués ont demandé l’abrogation de cet article et de cette loi. L’article 1781 du code Napoléon porte à l’occasion du louage des domestiques et ouvriers : « Le maître est cru sur son affirmation, — pour la quotité des gages, — pour le paiement du salaire de l’année échue — et pour les à-comptes donnés pour l’année courante. » Le législateur, en édictant cette mesure à une époque déjà ancienne, avait sans doute le désir de décharger les différentes juridictions d’un grand nombre de réclamations relatives aux salaires; il pensait aussi qu’en raison de l’ignorance générale les salariés seraient très souvent incapables d’établir eux-mêmes leur compte, et il avait pris en conséquence le parti radical de s’en rapporter exclusivement aux maîtres. Cette disposition, avec le progrès des temps, a paru de plus en plus abusive et blessante pour les ouvriers. Plusieurs pétitions ont été adressées au sénat pour en demander la suppression. Enfin, pour faire droit à la demande formelle des délégués de 1867, le conseil d’état a été saisi d’un projet de loi portant abrogation de l’article 1781. Le conseil montra d’abord quelque velléité de maintenir la législation ancienne. Il s’agissait pourtant d’une prescription légale à peu près tombée en désuétude. Depuis longtemps, une certaine pudeur empêchait les maîtres de se prévaloir du privilège qu’ils tenaient de la loi, les juges laissaient volontiers dormir ce texte suranné, qui donnait une valeur exceptionnelle à l’affirmation d’une des parties. C’était donc une chose facile et sans inconvénient que de faire disparaître ce vestige d’inégalité sociale laissé comme par erreur dans nos codes. Le conseil d’état finit par y consentir, et le corps législatif, dans une des dernières séances de cette année, a voté sans discussion l’abrogation de l’article.

En ce qui concerne les livrets, il paraît facile d’accéder au désir