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cations plus étendues. En réalité cependant, la question n’a pas eu le temps de s’aggraver ; la négociation a été suspendue avant qu’on en vînt là, et, sans être dénué d’une certaine signification, le différend de la Hollande et de la Prusse n’est pas du moins arrivé à prendre le caractère d’une difficulté politique précise et saisissable. C’est un « point noir » à écarter.

Et n’en est-il pas de même de cet autre incident qui est devenu un thème de polémiques et d’explications, de ce projet tendant à faire la contre-partie de la confédération allemande du nord par une fédération douanière, militaire, si ce n’est politique, de la France, de la Belgique, de la Hollande et de la Suisse ? Évidemment l’imagination publique est portée aujourd’hui aux grandes combinaisons, elle les accueille sans difficulté, presque sans examen, au risque de dépasser singulièrement la réalité. Cette pensée de créer un système fédératif par l’union de la France avec les états qui l’entourent, particulièrement sans doute avec l’un de ces états, cette pensée ne s’est-elle présentée à aucun esprit depuis deux ans ? Ce serait certainement beaucoup dire. Notre nouveau ministre plénipotentiaire à Bruxelles, M. de La Guéronnière, passe notamment pour être fort partisan de ces idées, et, si cette circonstance suffisamment connue n’a pas déterminé le choix qu’on a fait de lui comme représentant de la France en Belgique, elle n’a pas empêché sa nomination ; mais enfin, on peut le dire, il n’y a point eu de négociations, il n’y a eu aucune communication véritable de gouvernement à gouvernement, il n’a pu y avoir qu’une supposition fondée sur un vœu présumé et secret dont la réalisation rencontrerait assurément bien des difficultés dans les dispositions et dans les intérêts des pays conviés à cette fédération. La Hollande, malgré les craintes qu’elle éprouve quand elle tourne ses regards vers la Prusse, ne consentirait point à entrer ainsi d’avance dans des combinaisons qui ne feraient peut-être que hâter les complications et provoquer les dangers qu’elle redoute. La Belgique craindrait visiblement que l’union douanière ne prît bientôt un autre caractère, et elle se tient pour satisfaite de sa neutralité indépendante. Elle s’est défendue d’entrer dans cette voie fédérative même sous la monarchie de juillet, et quelques lettres récemment publiées du roi Léopold, père du souverain actuel, témoignent des susceptibilités qui furent autrefois le principal obstacle à des combinaisons de ce genre : à plus forte maison, la Belgique résisterait-elle aujourd’hui. D’ailleurs ceux qui croient ces combinaisons si faciles semblent ne pas se douter des impossibilités financières et économiques devant lesquelles on se trouve. Il faudrait donc que la France, dont les finances sont déjà si fatiguées, consentît à voir tomber son revenu des tabacs, et comment le remplacerait-elle ? Il faudrait que la Hollande et la Belgique, elles aussi, pussent renoncer à une partie de leurs ressources en perdant leurs droits d’entrée sur les vins