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ou avec un excédant si minime que le programme adopté ne pourrait plus être mis à exécution. Il fallait en conclure qu’il n’y avait plus équilibre entre les forces productives du pays et les charges qui en enrayaient le développement, que le mouvement industriel, au lieu de s’accroître se ralentissait. Le seul parti à prendre était de réduire les dépenses. Le problème était si difficile et si pressant que des théories très radicales ne tardèrent point à se faire jour, et alimentèrent quelque temps les discussions des chambres et de la presse. Il se rencontra aux États-Unis comme ailleurs des gens pour proposer une répudiation pure et simple de la dette nationale. Il n’y a point à discuter les maximes de ces apologistes de la banqueroute. Elles ont pu éblouir dans quelques collèges les parties les moins éclairées comme les plus remuantes de la population et servir ainsi des menées électorales, elles n’ont pas eu de prise sur la grande masse du pays. L’honnêteté et le bon sens publics en ont fait justice. Une autre mesure d’une loyauté douteuse, mais moins extrême que la précédente, fut mise en avant par des hommes politiques plus sérieux. Ils se proposaient de solder en monnaie fiduciaire le capital et les intérêts de la dette. La loi, disaient-ils, ayant accordé aux billets du trésor le caractère de monnaie légale pour tous les paiemens, excepté pour les droits de douane, ces billets, aux yeux du gouvernement comme aux yeux des porteurs de titres, ont la même valeur que l’or. Cet argument n’est que spécieux. Sur les titres 10-40, émis postérieurement à la loi qui instituait le cours forcé, et pour lesquels il est expressément stipulé que capital et intérêts sont payables en monnaie métallique, il ne peut y avoir de discussion. L’état est lié par un engagement formel. Quant aux 5-20, le bill du 25 février 1862, qui autorise l’émission, énonce, il est vrai, qu’ils pourront à échéance être échangés contre des billets du trésor ; mais il faut se rappeler qu’alors ces billets étaient au pair, et, si l’on voulait aujourd’hui les donner en paiement aux porteurs de 5-20, il semble qu’on devrait en rigoureuse équité leur tenir compte de la dépréciation que la monnaie fiduciaire a subie depuis qu’ils ont accepté ce contrat. Est-il honorable de dénaturer un engagement loyalement consenti de part et d’autre à un moment de péril, à un moment où la confiance du peuple américain dans son gouvernement, les secours financiers qu’il lui a libéralement apportés, ont sauvé la république ? Tels sont les argumens que M. Mac-Cullogh fit valoir avec beaucoup d’élévation et d’éloquence. La chambre presque entière partageait son opinion, car, au commencement de la session dernière, M. Butler ayant présenté une motion pour le remboursement en papier-monnaie des five-twenties, sa proposition ne fut pas même discutée ; on la repoussa par la question préalable.

La question du reste n’était pas mûre à cette époque. Elle a été depuis lors l’objet d’une polémique assez sérieuse, Il n’est pas inutile de