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monument ont seules le droit d’y ouvrir de nouvelles tombes à côté de l’ancienne fosse.

Telle fut Mme de Lafayette. Il est impossible d’imaginer un plus parfait modèle de la femme. Fille, sœur, épouse, mère accomplie, elle a mérité toutes les couronnes. Les détracteurs de la société française avant 1789 devraient être moins sévères pour un temps qui a produit des hommes comme Lafayette et le vicomte de Noailles, des femmes comme la duchesse d’Ayen et ses filles. Quelle mort que celle de la vicomtesse de Noailles ! quelle vie que celle de Mme de Montagu ! La dernière des sœurs, Mme de Grammont, avait les mêmes vertus, mais sa vie moins agitée ne lui a pas fourni la même occasion de les montrer. À ces noms illustres et vénérés vient désormais s’ajouter celui de Mme de Lasteyrie. Elle était née en 1782 et avait reçu en naissant le prénom de Virginie, en souvenir de la campagne qui venait de se terminer si glorieusement. Son enfance se passa dans les angoisses de la terreur, et à l’âge où s’épanouit la jeunesse, elle vivait dans la triste prison d’Olmutz. Elle épousa le marquis de Lasteyrie, qui entra au service sous l’empire et parvint au grade de colonel. En lisant la notice sur Mme de Lafayette, on sent à chaque mot combien sa fille était digne d’elle. Ceux qui l’ont connue savent à quel point l’abnégation était chez elle simple, douce et naturelle. Son âme eût été à la hauteur de tous les sacrifices. Elle supporta courageusement des revers de fortune et se dévoua dans ses derniers jours à des œuvres de charité. Son fils, M. Jules de Lasteyrie, a figuré avec honneur dans nos assemblées politiques ; ses trois filles ont épousé MM. de Rémusat, de Corcelle et d’Assailly.


L. DE LAVERGNE.