Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 77.djvu/466

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sa garantie. Tandis que les révolutions qui s’accomplissent au nom et au profit d’un parti ou d’un homme laissent en dehors d’elles les chefs et les plus vaillans soldats dès partis vaincus, dont la hautaine retraite est un embarras, un péril, une protestation vivace contre le vainqueur, la révolution de brumaire eut l’heureuse fortune de rassurer et de rallier momentanément tous les partis. Les gouvernemens ont pour témoins devant la postérité les hommes qui les servent : or le consulat a obtenu la consécration presque unanime des gens de bien et de mérite que la terreur avait laissés debout, il profita de leur dévouement et de leur services.

Le nouveau préfet de la Seine avait déjà eu l’occasion de s’occuper des affaires de Paris. En 1789 et 1790, Mirabeau s’inquiétait très vivement de l’état des esprits dans la capitale, des désordres qui y régnaient, des vices du régime municipal. Il se livra sur ce sujet à de profondes recherches, auxquelles il associait Frochot. « Jamais, écrivait-il en 1790 au comte de La Marck, autant d’élémens combustibles et de matières inflammables ne furent rassemblés dans un tel foyer… » A la suite venait une description très peu flatteuse de Paris et des incorrigibles Parisiens. Ce qu’il écrivait, il le disait tout haut, et cependant les Parisiens ne lui gardaient point rancune, car ils le nommaient chef de bataillon de la garde nationale et membre du directoire du département, mandat très populaire et très envié. « Paris m’attire, disait-il un jour à Frochot, c’est le sphinx de la révolution ; je voudrais lui arracher son secret. » Il y eût échoué, comme ont échoué tant d’autres. Quoi qu’il en soit, Mirabeau et avec lui Frochot avaient pris une part active à tous les projets d’organisation qui intéressaient la capitale, le premier dans une pensée politique, le second au point de vue des réformes administratives, dont l’examen convenait mieux à ses habitudes de travail et à la nature de son esprit.

L’administration de Paris pendant la période révolutionnaire avait été nécessairement fort négligée. Sous le directoire, lorsque l’on put essayer d’y remettre un peu d’ordre, le budget des dépenses s’élevait à 15 millions environ, et celui des recettes à un peu plus de 3 millions ; le surplus des dépenses devait être payé par le trésor national. Ce fut pour obvier à cette situation qu’une loi de 1798 institua l’impôt de l’octroi sous le titre d’octroi municipal et de bienfaisance, destiné principalement à couvrir les frais des hospices et de la distribution des secours à domicile. En 1802, l’octroi produisait 9 millions ; début bien modeste pour un impôt qui s’élève aujourd’hui à plus de 100 millions. En 1812, le budget de la ville était fixé, en recette et en dépense, à la somme de 22 millions 1/2. Il faut dire que la condition de Paris n’était à aucun égard